Chroniques

Label marocanité : La sale affaire

© D.R

L’action d’une députée contre «Tel Quel» est une déplorable et sale affaire. Elle participe de cette agitation qui nourrit un microcosme narcissique, tourné vers lui-même et qui se fait mousser en agitant du vent.
La femme, et non pas la députée, veut défendre son honneur. C’est son droit. Le journal, lui, voit dans le jugement démesuré une manière déviée et cynique de l’asphyxier. La députée, cette fois-ci, parce que députée, n’a pas su dépasser son simple cas pour en faire un cas d’école qui pose le débat sur la déontologie dans la presse marocaine. Le journal, malgré ses excuses, aurait pu faire preuve de plus d’humilité, car il a fauté. Au lieu de quoi, il s’est lancé dans une campagne de dénonciation tous azimuts.
Raymond Aron dénonçait autrefois tous ces«intellectuels» qui «ne veulent ni comprendre ni changer le monde» et qui, dans une fureur rentrée, «veulent le dénoncer». La dénonciation systématique, l’indignation permanente et le réquisitoire soupçonneux, voilà ce qui enlève une certaine crédibilité à une partie de la presse marocaine prompte à vouloir rénover les pratiques, déplacer les lignes et moderniser le rapport au pouvoir.
Je n’ai pas signé la pétition de «Tel Quel». J’aurais pu, comme d’autres, avoir le réflexe pavlovien de parapher tout ce qui peut toucher à la liberté. Mais, c’est tellement facile, les bons sentiments. Tellement aphrodisiaques. On en oublie qu’il y a, dans cette affaire, des choses essentielles que l’agitation tronqueuse et biaiseuse finit par éluder :
1. On peut gloser comme on veut. On peut faire toutes les gesticulations sémantiques et les sophismes sophistiqués. On peut même accuser les gens d’avoir des arrière-pensées (sic) et l’esprit mal tourné. Mais rien ne pourra soustraire au mot Chikha la connotation péjorative. Dans le langage populaire, le mot Chikha ne signifie que rarement artiste. Il peut, en revanche, désigner une pute.
2. Ce n’est peut-être que 0,01% du déjà maigre lectorat marocain qui a fait le rapprochement entre le personnage et sa description. Il se peut qu’à peine 1% des liseurs de Tel Quel (dont je fais partie) aient vraiment prêté attention à cette info. On s’en fout, ce n’est pas là le plus important. Ce qui est déterminant, c’est le nombre de gens qui connaissent la victime et qui l’ont reconnue eu égard à sa fonction. Pour elle, c’est cruel. Car, on peut tourner le problème comme on veut, il y a bien diffamation.
3. Il y a quelque chose d’indécent de voir que pour sa défense, le journal joue deux partitions, voire deux procès parallèles : l’un devant le tribunal. L’autre devant l’opinion publique. La victime, bien que parlementaire, n’a ni le même luxe ni les mêmes armes.
4. Il y a comme quelque chose de nauséabond dans la volonté, délibérée, d’entretenir la confusion entre le débat sur la déontologie et celui de la liberté de la presse.
5.  Enfin, prétendre que des mains obscures seraient à l’origine de l’idée du complot qu’on essaye d’accréditer est une injure supplémentaire pour la députée en lui déniant la capacité de défendre son honneur toute seule.
Bref, sale affaire disais-je.

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