Chroniques

Label marocanité : Leçon marockaine

Donc, le film «Marock» est bien sorti dans le Royaume. Il semble même rencontrer «un succès franc et massif» selon un papier de Hamid Berrada. La salle qui l’a programmé à Casablanca, la ville de derb Ghallef, paraît-t-il, ne désemplit pas. C’est dire. Au moment où on parle de crise des salles de cinéma, de la concurrence déloyale de la parabole et du piratage, cet afflux pourrait révéler et s’expliquer par de la curiosité excitée, par un voyeurisme libidineux. Ce serait insuffisant pour justifier les vivats qui, semble-t-il, acclament le film. On évoque des ovations approbatrices. On murmure que les bobines de l’œuvre sont partout réclamées par les salles des autres villes du Royaume.
Il faut donc saluer les responsables marocains pour ne pas avoir interdit le film et ainsi permettre à chaque Marocain, qui le souhaite, de se faire sa propre opinion. Il faut applaudir le directeur du Centre cinématographique, Nourreddine Saïl, pour, non seulement, avoir soutenu financièrement cette œuvre, mais aussi pour l’avoir moralement défendue. D’avoir, surtout, veillé à ce que «les ciseaux de la censure soient rangés» dans ce tiroir qu’on souhaite à jamais cadenassé.
J’ai dit de ce que j’avais à dire sur ce film . Il reste que ce qui pousse à le défendre ne tient pas à une quelconque exceptionnelle qualité artistique, mais à son droit d’exister en tant qu’œuvre jeune, sur une thématique jeune. Ce qui pousse à soutenir ce film n’a rien à voir avec son message, somme toute, naïf et même parfois niais. C’est l’opposition ferme qu’on doit dresser face aux maîtres censeurs qui veulent nous dire ce qu’il convient de voir ou de ne pas voir qui est essentielle. Ce qui alimente nos applaudissements n’est nullement la force, la puissance du scénario, mais notre refus absolu de se voir priver d’une liberté, fusse-t-elle bénigne. Nous sommes opposés à tous ces diététiciens de l’esprit qui veulent nous imposer quoi boire et quoi manger. Et ce film n’est qu’un prétexte pour réaffirmer, plus puissamment encore en ce sinistre troisième anniversaire du 16 mai, ce rejet.
Le débat de fond, donc, à retenir, c’est qu’il y a, au Maroc, un flou politique qui, plus que jamais, nécessite la clarté. Ce flou pourrait presque nous faire regretter la pensée binaire d’antan. Celle qui départageait entre la gauche et la droite, entre le progressiste et le réactionnaire. Aujourd’hui, on tente de nous inoculer subrepticement une ligne de partage, entre le bien et le mal. Entre la vertu et le péché.
Ce partage, en réalité trop simplet, se drape dans les toges de la religiosité innocente et de la simplicité populaire. Ce qui le rend d’autant plus pernicieux. Il est porteur de confusions périlleuses. Il entretient un mélange délibéré et dangereux entre la politique et la morale, l’une avec une vision politicienne et démagogique et l’autre avec une conception hygiénique. Il amalgame volontairement public et privé. Il est surtout porté par des zélotes qui veulent réduire notre identité culturelle et religieuse à une posture militante et idéologique. Pour toutes ces raisons, c’est une œuvre civique que de le combattre.

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