Chroniques

Label marocanité : Malheur de la conscience

Dimanche dernier, les institutions juives de France commémoraient, à Paris, le 64 ème anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv. Pour ceux qui l’ignorent, les faits se sont déroulés les 16 et 17 juillet 1942. La police française avait raflé 12.884 juifs, en rassemblant plus de 8.000 au Vélodrome d’Hiver, avant qu’ils ne soient transférés vers le camp de Drancy, puis déportés vers les camps d’extermination.
A cette occasion, Roger Cukierman, président du Crif, a prononcé un discours où il a dénoncé la «haine de l’autre qui, sous des prétextes religieux, ne rêve que de faire disparaître l’Etat d’Israël soixante ans après la Shoah». Cukierman, dont l’attachement à l’Etat d’Israël est notoire, a inscrit son discours dans l’actualité. Il s’est interrogé sur «cette épidémie du fanatisme religieux, avec son cortège d’actes terroristes et d’attentats-suicides» qui sont une menace pour Israël et qui seraient, à ses yeux, la justification et les raisons d’être de la conduite israélienne au Liban. Dans la foulée, Cukierman rappellera qu’en France, on célèbre «en ce moment le centième anniversaire de la réhabilitation d’Alfred Dreyfus», officier juif injustement accusé de trahison», sans oublier d’ajouter un mot sur «la barbarie qui a conduit, il y a quelques semaines, dans le pays des droits de l’Homme, à une mort atroce le jeune Ilan Halimi», un juif de 23 ans séquestré et torturé en février par un gang dont le chef présumé est un black des cités françaises, Yossouf Fofana.
Invoquer, dans un seul discours, autant de fantômes juifs pour justifier les meurtrissures des vivants, civils avant d’être musulmans ou chrétiens, à quelque chose d’insupportable. Ni les fantômes de la Shoah qui hantent la mémoire occidentale. Ni l’universalité de la leçon de l’affaire Dreyfus. Ni l’ignominieuse rafle de Vél d’Hiv et encore moins l’actualité de l’antisémitisme ne sauraient justifier ce qui se déroule au Liban ou dans la région. S’il y a une chose d’insoutenable pour la raison humaine, c’est bien l’indignation à géométrie variable. Elle est encore plus nauséeuse que l’indifférence ou le silence. Trop, c’est trop. Plus cruel encore. N’en déplaise à la timide et ridicule gesticulation diplomatique, il y a comme une complicité tacite des donneurs de leçons morales. Où sont les déclarations tonitruantes censées remuer la conscience humaine? Où sont les professeurs de nos âmes ? Quel est le sens du mutisme des grands esprits face à l’horreur ? C’est quoi ce droit international qu’un Etat, anomalie historique et furoncle géographique, se permet de fouler du pied à chaque occasion ? Le droit international, s’il ne l’a jamais été, a-t-il encore une validité internationale? Alors comme ça, il suffit de qualifier le mal pour se permettre l’innommable. Le fanatisme du Hezbollah serait-il un argument de vente convaincant pour anoblir une guerre sauvage, cruelle et sans courage ? Comment alors expliquer que cette guerre soit menée par l’un des Etats les plus religieusement structurés au monde ?
Il y a pire que la conscience du malheur… C’est le malheur de la conscience.

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