Chroniques

Label marocanité : Sardi de Beni Meskine

Cette année, on va faire deux fois la fête dans la même journée. Ce sera l’un de ces accidents du calendrier, rares, qui génèrent du bonus festif. Ce ne sera certes pas le cas pour tout le monde, mais chez les musulmans, il y en aura qui ne sauront pas où donner de la tête. Nombreux seront ceux qui, après la prière du matin, renouvelleront leurs filiations à Abraham et qui, le soir venu, tutoieront et trinqueront avec Dionysos et Epicure. Ils égorgeront l’animal le matin et réveillonneront, le soir venu, avec l’animal qui est en eux.
Le 31 décembre, le sang va gicler abondamment et le champagne va pétiller furieusement. Ce sera, pour ceux qui ont les moyens bien entendu, la journée des épousailles entre le boulfaf et le foie gras. Du maallef et du gavé. Des millions de carotides vont passer au fil des janouia. Il en sera de même de par le monde, avec moins de violence certes, pour des millions de bouteilles à l’élixir crépitant et enivrant.
Tant de moutons seront couchés sur le flanc gauche, la tête tournée vers La Mecque au moment où ils vont la perdre. Ils monteront ce matin là sur l’échafaud sacrificiel. Rien qu’au Maroc, on prévoit arracher au cheptel 5,5 millions d’ovins. Et Casablanca, paraît-il, exécutera à elle seule 1,5 million de bêtes. Ce n’est plus un sacrifice. C’est un Holocauste.
Entre 30 et 45 dh le kilo vif, cela fait cher le mouton. C’est du double sacrifice. De la bête et du baztam. Les Marocains vont se saigner, après la rentrée scolaire et le ramadan, pour pouvoir acquérir l’animal. Ne pas pouvoir le faire est quasiment infamant. Mais il n’y a pas que la sunna. Il aime ça le Marocain. Il se damnerait pour le boulfaf d’un Sardi de Beni Meskine.
Un Sardi ? Parlons-en! C’est le tip-top. Et comme on a les rêves qu’on peut, il apparaît actuellement comme l’horizon indépassable. Les publicitaires et les marchands du temple en font un étalon. Il l’exhibe ostentatoirement debout sur les grands boulevards comme on exhiberait un top model. Un nu. Nos publicitaires doivent être incultes et primitifs pour commettre des affiches aussi vulgaires. Au lieu d’enjoliver notre espace qui en a tant besoin. Ils l’abîment par des images qui sont une injure à l’esthétique. J’ai même vu une affiche ayant pour personnage centrale Jha, prince de la démerde et de l’ingéniosité. Il transporte son mouton sur le guidon de la mobylette. Et il roule sans casque, avec un sourire malin et suspect. Ce mouton, on ne sait pas s’il a volé ou s’il l’a eu pour pas cher. La prévention routière, dans un pays où la lutte contre les accidents de la route devrait devenir cause nationale, peut toujours courir. Avec des affiches comme ça, il y a quasiment incitation à la délinquance routière. A leur place, je porterais plainte pour incitation à l’incivilité.
Sans compter que ces campagnes sont destinées à promouvoir le crédit à la consommation. Au-delà des problèmes du surendettement, ce sont les islamistes qui devraient être offusqués. Il y a tout de même usage d’une référence religieuse pour inciter à une pratique interdite par l’Islam pure : l’intérêt.
Mais eux, ce qui les heurte, c’est le champagne.

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