Chroniques

Label marocanité : Un débat biaisé

Comme dans la plupart des pays européens, ce qui a le plus retardé l’intégration, ce sont la relégation, la ghettoïsation, le rejet de l’Autre, le racisme et la discrimination à l’emploi et au logement. Il ne faut pas avoir la mémoire courte. Hier encore, les parents de tous ces enfants, aujourd’hui naturalisés, étaient l’objet de tous les mépris. Les mémoires des immigrations sont touffues de blessures vivaces de la dignité qui ont ralenti les processus d’adhésion et d’intégration. Et bien que, dans la plupart des pays européens, des efforts considérables et des droits réels ont été consentis aux migrants en situations régulières, il reste que le traitement inégalitaire entre les populations de souche et les populations d’origine étrangère perdure. Le retard de l’intégration dans les pays d’accueil reste donc une donnée des pays d’accueil.
La vérité sort de la bouche des enfants. Ma fille m’a révolutionné, de façon copernicienne mon regard sur ces questions. En toute innocence, elle m’a affirmé un jour, alors qu’elle avait huit ans, que j’étais un Français d’origine marocaine tandis qu’elle était une Marocaine d’origine française. Il y a là une puissante et subtile différence. En faisant, ma fille n’exprimait en aucun cas un sentiment d’allégeance. Elle formulait un sentiment d’appartenance. Ce n’était une position politique. C’est d’un ordre métaphysique. Sa marocanité à elle, c’est un environnement, une odeur de thé, une pincée de cumin sur des brochettes, une complicité dans le regard. Ceci ne l’empêche pas d’être pétrie de culture française dont les puissants outils (école, télévision, la rue…) sont à l’œuvre. C’est comme ça. Et personne n’y peut rien. Qui peut donc lui enlever cette double appartenance ? Qui peut lui confisquer cette part intime d’elle-même? Aucun Parlement, aucun politique ne peut légiférer sur des choses aussi intérieures. Il se trouve qu’elle n’est seule et qu’il y a aujourd’hui des centaines de milliers de Marocains d’origine belge, d’origine française, d’origine allemande, d’origine hollandaise… . Et ceci reste la vraie et profonde mutation du mouvement migratoire marocain. Les politiques, d’ici et de là-bas, ne peuvent déconsidérer cette donnée. La surenchère sur la double appartenance, pour conjoncturelle qu’elle est, est donc un ouragan dans un verre de thé.
Restent la double allégeance et la question de la citoyenneté dans son sens politique. Là, il y a un hic. Et d’évidence, on ne peut prétendre participer, sans contradiction, à deux systèmes politiques qui peuvent, parfois, être aux antipodes. Cette question est d’actualité et elle n’est pas légère. Elle reste largement inexplorée. Il ne suffit pas de sautiller, comme un cabri, en disant «le vote des MRE, le vote des MRE». Il faut pouvoir mesurer tout ce que cela charrie comme puissantes difficultés et profondes fantasmagories.

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