Chroniques

Label marocanité : Un débat malsain

Ce qui se passe aux Pays-Bas n’est pas toujours gai et drôle pour la communauté marocaine. Les Néerlandais perdent le nord. Ce peuple qui domestique la mer et sème des tulipes est devenu, subitement et maladroitement, comme incapable de dompter sa raison, tant ses passions sont devenues nourries par un malaise identitaire.
Si dans beaucoup de sociétés occidentales on sent encore les secousses du 11 septembre, la société hollandaise vit, en plus, une forme de brisure. Le miroir, son miroir qui lui a tant renvoyé une image apaisante, a volé en éclats avec l’assassinat de Pim Fortuyn. Mais c’est surtout la vitrine, la belle vitrine d’une société plurielle et tolérante qu’elle exposait au monde, qui explosera avec le meurtre de Van Gogh.
Les circonstances de la mort de Fortuyn et de Van Gogh, deux personnages aux antipodes, ont quelques similitudes. Ces deux êtres étaient, chacun à sa manière, adeptes de l’extrémisme. Ils avaient tous deux, chacun dans son domaine, un goût prononcé pour la provocation. Ils ont rencontré, chacun dans son coin, plus extrémiste et plus fou qu’eux. Il y a une seule différence. L’assassin de Fortuyn est un Hollandais de pure souche, ce qui a donné au traumatisme une circonstance atténuante. Le meurtrier de Van Gogh est un Hollandais d’origine immigrée, musulman et marocain, ce qui constitue autant de situations aggravantes.  Que les assassins soient l’expression manifeste et tragique de la culture du refus et de l’intolérance qui sévit insidieusement dans le pays d’Erasme importe peu. L’origine culturelle du criminel, dans l’un des cas, va dépasser, en horreur, l’acte lui-même. 
Depuis, il y a aux Pays-Bas une atmosphère suffocante et une ambiance délétère, surtout pour les marocains. Et ce ne sont ni le procès Bouyeri, cet autiste, ni les discours radicaux et enflammés de Rita Verdonk, ministre de l’Intégration, ni le débat sur le référendum sur le traité avec la victoire du non qui vont arranger les choses. La dénonciation de la double nationalité, qui jusque-là ne faisait pas débat, en deviendra un thème politiquement porteur.
Ahmed Boutaleb et Khadija Arib sont des figures du paysage politique national néerlandais. L’un est secrétaire d’Etat après avoir été adjoint au maire d’Amsterdam. L’autre est une parlementaire depuis 1998. Je connais les deux personnages. Ils sont droits, intègres et pleinement engagés. Ils font de la politique avec convictions. Ils sont assez intelligents pour ne pas sombrer ni dans la double allégeance, ni dans la confusion des genres. Mais ils sont assez fiers pour ne pas céder un iota de leurs libertés individuelles. En particulier celle de garder des attaches solides et affectives avec leur pays d’origine. Victimes expiatoires d’une crise qui taraude la société néerlandaise, on leur reproche non pas des erreurs ou des échecs politiques. On leur demande de brûler sur la place publique leurs passeports marocains.
On dit ici que lorsqu’on naît Marocain, on meurt Marocain. C’est ainsi. A moins que par dérogation à la Constitution marocaine, le parlement néerlandais aspire à changer le code de la nationalité au Maroc.

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