Chroniques

L’autre jour : Artiste

D’abord, ses bras, démesurément longs. Chétif et filiforme, il semble compenser le peu de volume qu’il occupe dans l’espace par les gestes de mains, grandiloquents et disproportionnés par rapport à la finalité qu’il leur assigne : déboutonner son col de chemise, feuilleter le journal, ou faire semblant, saluer une connaissance même quand elle est à portée de la main, au point de risquer de lui crever un oeil, décrocher son téléphone portable de la ceinture, de cette marque dont on soulève le couvercle avant usage. Là, il se délecte : il tient l’engin presque à bout de bras, comme s’il s’y mirait, esquisse un geste de fausse exaspération, prend à témoin les deux-trois personnes passant à proximité pour dire son ras-le-bol des importuns qui l’appellent, prend cependant une voix sirupeuse pour débiter quelques banalités insignifiantes, alterne arabe dialectal, arabe classique, quelques interjections des gens du Golfe et saupoudre le tout d’onomatopées qui se veulent françaises. C’est un acteur-compositeur-scénariste-metteur en scène-improvisateur-créateur-dramaturge et théoricien de l’art, dans toutes ses formes, toutes ses déclinaisons, et il pense que, exception faite de ses productions incomprises, ou plus grave encore, trop comprises comme mettant la barre si haut qu’on préfère les ignorer, les bannir, les occulter plutôt que de prendre le risque de voir, à côté d’elles, disqualifiées toutes les autres «tentatives» de création que certains «amateurs» s’entêtent à proposer. De fait, on le marginalise, on l’évite, on lui ferme toutes les portes, on veut l’affamer, le clochardiser, le neutraliser. Il existe un véritable complot contre lui, il en connaît les cerveaux, «des pois chiches», se dit-il, mais ils cultivent la médiocrité et s’y complaisent, s’en nourrissent, s’organisent en cartel tout autour, des charognards, des moins que rien, des aigris, des envieux. Ils n’ont pas de talent et refusent d’en reconnaître aux autres, de peur de montrer sur la place publique leur incapacité, leur insignifiance, leur congénitale petitesse réfractaire à la grandeur et aux traits de génie, les siens bien entendu. Il y a toujours une raison derrière tout excès. Parfois, elle est si banale, si superficielle qu’elle confond par son évidence et sa limpidité. Le courroux étalé à même le trottoir avait une raison immédiate et directement agissante : le dépité est parmi les rares noms de la scène qui n’ont pas cachetonné, cette année, à l’occasion du Ramadan. L’inspiration ne lui est pas venue à temps. L’année dernière était une année faste. Qu’est-ce qu’il était envié lui aussi !

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