Chroniques

L’autre jour : Pont

En ce mois sacré du ramadan, plein de bontés, de signes de bienveillance divine, de raisons d’espérer, de marques de bénédiction et de promesses de rétribution, il est normal que les appétits matériels triviaux cèdent le pas devant des félicités plus symboliques et plus immatérielles, ou du moins on est invité à dépouiller les choses de leur face directement évaluable pour n’en retenir que les ouvertures sur l’absolu et l’indéfini. Prenons comme exemple le temps, dans ses diverses dimensions. Le temps est de l’argent, nous dit-on. Il faut beaucoup relativiser cette assertion; parce que si elle était prise dans son acception littérale, certaines catégories de fonctionnaires, les diplômés chômeurs, comme nouvelle tranche sociale à part entière, les tire-au-flanc de la fonction publique, les glandeurs de tous genres, seraient riches à millions. Ramadan, en ville – beaucoup plus qu’à la campagne où le rythme naturel et biologique de la terre et des êtres impose une autre forme d’ordonnancement du temps – prête à la méditation, à la torpeur, apparente bien entendu, car la passivité de surface dissimule en fait une vie intérieure intense et profonde qui ne s’accommode pas avec l’ostentation et la parade. Regardez, par exemple, l’étendue de la vie spirituelle des enseignants, qui en plus de la lourdeur des tâches qui leur sont dévolues dans le cade de leur mission éducative, ils doivent assurer, quotidiennement le devoir de militance, dans les partis et les syndicats, fournir des supplétifs à la société civile organisée ou en cours d’organisation, donner un coup de main à l’effort rédactionnel des journaux, notamment en assurant les lourdes charges de correspondants régionaux et d’écrivains publics aux corbeaux en tous genres, ou au pire en remplissant les grilles de mots croisés, mots fléchés et autres pronostics de PMU, lire les longues tartines des docteurs versés en « troubles de la fonction érectile en période de jeûne » ou en « ruptures de jeûne et rupture épistémologique à travers l’histoire», etc. Mais, avec le mois de ramadan finissant, l’épreuve va en croissant. La famille enseignante est entrée corps et âme dans une période de grand jihad, particulièrement en ces temps de veillée du Destin, de grève de trois jours, confirmative du dépôt du cahier des revendications auprès des autorités compétentes, de préparatifs pour le pont de l’Aïd Al Fitr, de la trêve commémorant les fêtes de fin d’année du calendrier grégorien, par solidarité avec nos frères en monothéisme, adorateurs de Marie et Issa, que le salut de Dieu soient sur eux ; qu’il faudra enchaîner, tout de suite après avec les vacances de fin du premier trimestre, un peu tronqué certes, mais de bonne tenue vacancière quand même… Quelques regrets cependant: le peuple marocain n’a pas suffisamment marqué sa solidarité avec les peuples afghan, palestinien et tchétchène en décrétant, par exemple, la grève illimitée, et payée, bien sûr.

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