Chroniques

Les monstres ne font pas toujours de cinéma

© D.R

Comment pourrais-je l’éviter alors que depuis le démarrage de ce très bel événement, je vois en moyenne 3 à 4 films par jour. Oui, c’est vrai, ils ne sont pas tous bons, et il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie, mais, bon, dans la foulée de ce qu’on a vu et ce n’est pas encore fini – il y a une bonne dizaine d’œuvres qui nous ont envoyé la vérité, notre vérité en plein dans la gueule.

Et comme c’est super bien fait, nous n’avons pas baissé la tête, nous avons laissé les yeux ouverts et nous nous sommes laissés faire. Je ne vous dis pas le plaisir qu’on ressent en ces moments. Et à la fin, quand il s’achève, parce que tout plaisir finit toujours par finir, même les plaisirs les plus intenses, on se sent un peu sonné et on a du mal à se lever et à reprendre une vie normale.

On dit souvent que le cinéma est magique. Non, c’est trop peu pour lui, c’est trop réducteur. En vérité, le cinéma, le bon cinéma bien sûr, est diabolique dans le sens qu’il vous ensorcelle, qu’il vous magnétise, qu’l vous kidnappe, qu’il vous prend en otage, qu’il vous manipule, qu’il vous éveille, qu’il vous fait rêver, et puis, quand il a fini, quand il a terminé d’en finir avec vous, il  va vous réveiller et vous renvoyer à votre petite vie, à votre réalité de petit humain tellement faible et tellement faillible. Une bonne partie des films qui ont été sélectionnés pour cette édition du FIFM traitent d’une même thématique vieille comme le monde et toujours d’actualité comme la pérennité : la misère humaine.

C’est en voyant tous ces films en même temps, des films venus de plusieurs coins du monde, de la Corée jusqu’au Kosovo, en passant par le Japon, le Brésil, le Liban, l’Uruguay, la Serbie, le Canada et bien d’autres, en voyant tous ces films, disais-je, j’ai enfin compris une chose : la misère humaine est absolument et indéniablement UNIVERSELLE. J’en suis si convaincu aujourd’hui que je n’ai pas hésité à en parler devant et à côté de Son Immensité le Grand Penseur, le Grand Philosophe, le Grand Sociologue, le Grand Anthropologue,  et même le Grand Cinéphile, j’ai nommé Monsieur Edgar Morin.

Oui, Je vous jure que je ne vous bluffe pas, mais j’ai eu la chance et le privilège de participer à une superbe émission de télévision nationale – merci Mhamed Bhiri – et dont l’invité principal n’était autre que Edgar Morin en personne, mesdames et messieurs et sous vos applaudissements. Pour revenir à la misère humaine, Edgar Morin a appuyé mon idée – et oui ! – il a ajouté que, je le cite, «le monde vit effectivement une grande misère qui est à la fois matérielle, morale, intellectuelle.

Et il a continué que tout cela finit par créer des situations permanentes d’humiliation et de dégradation qu’il faut combattre sans merci si nous voulons que l’Homme redevienne un humain et il ne faut surtout pas céder à la peur et à la tentation de l’intolérance et de la fermeture. Voilà. J’ai essayé de résumer comme je peux les propos d’Edgar Morin qui, à 95 ans, garde une intelligence, une lucidité et une mémoire que je me souhaite tous les jours et que je souhaite à tous ceux et à toutes celles que j’aime. Bien sûr, en développant ce raisonnement, Edgar Morin avait au moins deux idées en tête : les terribles attentats de ces dernières semaines – et qui, soit dit en passant, n’ont pas empêché le Festival de Marrakech de se tenir – et bien entendu la victoire rampante, insolente, insultante et désolante du Front National en France.

Ces événements, même lointains, nous intéressent et nous interpellent au plus haut point. Et quand je dis «nous», je pense d’abord à nous, dans ce merveilleux pays dont nous sommes tous convaincus qu’il est béni des dieux, mais aussi à tous les pays de ce monde qui devient de plus en plus fou. Et le cinéma dans tout cela? Que peut-il faire ? D’ailleurs,  est-il capable de faire quelque chose contre cette folie meurtrière ? Oui et non, répond Edgar Morin.

Oui, parce qu’il est du devoir des cinéastes et de tous les artistes de jouer leur rôle d’éclaireurs et d’éveilleurs de conscience. Hélas ils ne le font pas toujours (ça, c’est moi qui le dis). Et non, le cinéma ne pourra pas se substituer aux politiques qui ont et qui auront toujours, hélas, toujours le dernier mot. Et eux, s’ils font leur cinéma c’est souvent pour mieux nous embobiner (ça aussi, c’est moi qui le dis).

J’arrête là, mes divagations, et je souhaite à tous ceux et à toutes celles qui aiment la vie et donc, qui aiment le cinéma, un très bon week-end. Quant aux autres…

Un dernier mot sous forme de devinette pour rigoler quand même un peu : pourquoi c’est seulement à l’approche des échéances électorales que les politiciens se mettent tous à parler du peuple et de ce qu’il veut ?

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