Chroniques

Loin des campagnards, des pauvres et des malades…

© D.R

Déjà que je suis fâché avec un peu tout le monde, ou pour être plus précis, un peu tout le monde qui est fâché avec moi. Surtout ceux et celles que je titille parce qu’ils méritent d’être titillés et plus encore si pas affinités. En tout cas, je suis sûr que le sujet que j’ai choisi à mon corps parfois souffrant défendant ne va pas plaire à tout le monde et surtout la catégorie professionnelle que j’ai décidé d’affronter frontalement car je n’aime pas attaquer les gens de dos.

Ces gens-là ne sont pas n’importe qui, et c’est parce qu’ils ne sont pas ainsi, que je ne vais pas me comporter avec eux n’importe comment. Je vais essayer de le faire avec tous les égards dus à la mission hautement humaine et foncièrement sociale qui est la leur.

Ces gens-là, ce sont les médecins. Ah non ! Pas tous les médecins. Loin de là. En tout cas, pas les médecins qui me soignent, ni ceux qui soignent ma femme, mes enfants, ma maman, mes frères et mes sœurs, bref ma petite et ma grande famille. Ceux-là, ce sont tous des bons, et d’ailleurs s’ils n’étaient pas bons, je n’irais jamais les voir, et mes proches non plus. Je ne parle pas non plus des médecins en général, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, mais d’une catégorie assez spécifique des médecins, celle qui sont médecins mais pas encore tout à fait. Si, si, ils ont terminé leurs études de médecine, et savent faire des pansements, des piqûres, ont déjà prescrit de l’aspirine et de la vitamine C, et certains d’entre eux ont même fait des gardes de nuit où ils n’ont pas dormi toute la nuit. D’ailleurs, ils sont encore tout jeunes et ils ont toute la vie pour se reposer.

Justement, c’est parce qu’ils ne veulent pas trop se reposer qu’ils ne veulent pas être affectés n’importe où, et surtout pas dans des coins lointains, c’est-à-dire loin des coins où il fait bon vivre, où l’on peut s’amuser, sortir en boîte pour boire un coup et même plusieurs… Parce que voyez-vous, un médecin, quand ça bosse, ça stresse un max, et, c’est un peu normal, ça a envie de se décompresser. Alors, justement, quand il est loin, dans un coin lointain, comme par exemple dans un douar enclavé dans une vallée perdue, ou dans un hameau perché là-haut sur une colline, ou dans un bled perdu dans un désert caillouteux, que voulez-vous que le pauvre docteur fasse dans ces conditions-là ? Il ne faut pas oublier que le mec – ou la nana, c’est kif-kif pareil –  a trimé après le bac durant 7 ou 8 ans, et parfois plus s’il n’a pas été un étudiant très brillant, et il n’a pas envie, et comme on le comprend !, de se retrouver rejeté et isolé à Perpète-les-oies ou son équivalent local «Tlat-Al-Ghayss», littéralement «Le Mardi de la Boue».

Non seulement il n’a aucune envie d’y aller, mais de plus, il proteste, il râle et il peste contre le ministre de Lla santé qui veut l’y envoyer de force. D’ailleurs notre jeune nouveau médecin pas encore muté n’hésite pas à appeler «travaux forcés» ce «service obligatoire» que veut instaurer coûte que coûte M. El Ouardi aux nouveaux arrivants. Et eux refusent de partir. Ils veulent tous aller ça là où ça les arrange, autrement dit dans les grandes villes, notamment Casablanca et Rabat où près de la moitié de leurs confrères est consœurs est confortablement installée. Pourquoi eux et elles et pas lui ?

C’est une question légitime de droits de l’homme et de liberté de circulation. Chacun a le droit de bosser – ou pas – où il veut et quand il veut et ce n’est pas à l’État de décider à sa place. Non mais ! On n’est quand même pas en Union soviétique du siècle dernier ! Bon, c’est vrai que ces futurs médecins ont étudié aux frais des contribuables, y compris les plus pauvres, mais ce n’est pas une raison d’obliger ces jeunes qui viennent à peine de démarrer dans la vie professionnelle et dans la vie tout court, de se déplacer aussi loin pour les soigner. Après tout, ces pauvres, malades et géographiquement marginalisés n’ont qu’à ne pas être pauvres, n’ont qu’à ne pas tomber malades et n’ont qu’à habiter tous au centre du pays, je veux dire rester tout près du fameux «Maroc utile».

En attendant que tout ça s’arrange au mieux, je souhaite à tous les médecins, qu’ils soient hommes, femmes ou autres, qui font tout pour respecter tant bien que mal le serment d’Hippocrate, un très bon week-end et un très bon pont. Quant aux autres…
Un dernier mot sous forme de devinette pour rigoler un peu : Puisque, paraît-il, 83% des Marocains et des Marocaines sont pessimistes, comment se fait-il que notre gouvernement soit, lui, aussi optimiste ?

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