Chroniques

Mieux vaut en rire : Dis-moi, diplômé-chômeur…

© D.R

D’emblée, je dois vous révéler que ce titre m’a été inspiré par celui d’un documentaire que j’ai eu le privilège de voir mercredi à Nador où se déroule la 2ème édition du Festival international de «Cinéma et Mémoire commune». Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de cette manifestation, mais je puis vous affirmer qu’elle est hautement révolutionnaire au sens le plus noble de ce terme. Je ne sais pas non plus si vous connaissez Nador, mais je peux vous assurer que c’est une ville en pleine extension, surtout, dans le sens topographique du mot. J’espère que mes amis nadoriens ne m’en voudront pas d’avoir ce regard si réducteur, mais cela n’enlève rien au talent et à l’énergie qu’ils mettent au service de leur si belle cité et de sa région. Ce Festival en est d’ailleurs une des preuves les plus éloquentes. Cette édition a été placée sous le thème: «Migrations, droits de l’Homme et diversité culturelle en Méditerranée». Tout un programme ! Si je vous disais tout ce qu’on a vu et entendu depuis que nous sommes ici, vous allez mourir d’envie de venir l’année prochaine, car les organisateurs nous promettent un menu encore plus diversifié et audacieux. Parce qu’ici, à Nador, les mots d’ordre sont, justement, la pluralité  de l’expression et le courage des actes. Voici quelques exemples pour vous faire saliver : un film qui dénonce la politique discriminatoire de l’Etat français qui voit en chaque mariage mixte, un mariage blanc potentiel ; un autre qui fait parler les juifs marocains qui étaient partis vivre en Israël, mais continuent d’aimer leur pays d’origine; un autre encore qui montre que des juifs, à l’intérieur même d’Israël, défient les forces de l’ordre pour défendre des familles palestiniennes contre les colons sionistes qui les chassent de leurs maisons ; un documentaire qui dénonce les conditions terribles que vivent certains migrants dans la «ville-prison» de Sebta, et un autre qui montre qu’on peut être «un immigré subsaharien clandestin» à Mellilia et être un artiste qui offre son talent au public  «européen autochtone» de cette ville-paradoxe. Et à propos de paradoxes, je vais vous parler aussi de ce documentaire si tendre réalisé par un Marocain sur un artiste qui chante dans le métro parisien. Cet artiste est clandestin, malvoyant et algérien. Un Marocain qui s’attendrit sur le sort d’un Algérien, ça fait peut-être désordre, mais c’est aussi un super bras d’honneur à tous ceux qui confondent tout avec n’importe quoi! Le titre ? «Dis-moi, Mohamed…». Un régal ! Et à propos de régal, je passe vite sur l’excellente cuisine de la région, pour parler plus de la délicieuse langue rifaine et de la beauté succulente de sa poésie. Et comme les gens de Nador sont très ouverts sur la culture des autres, ils ont invité des poètes d’un peu partout pour nous faire voyager dans le monde merveilleux du rêve et de l’imaginaire. Et alors que nous étions en train d’apprécier tout cela, des jeunes manifestants sont venus perturber le cours normal du Festival. Il s’agissait de «diplômés-chômeurs» – j’y arrive, enfin – qui étaient venus revendiquer leur «droit au travail». Rien d’anormal, puisque nous sommes en démocratie et que nous parlons des droits de l’Homme. Mais le plus beau dans l’histoire, c’est qu’un de nos cinéastes connu pour être très actif, très réactif, mais aussi, très turbulent, Boulane pour ne pas le nommer, a pris l’initiative d’aller vers ces jeunes et de discuter avec eux de leur action et de sa motivation. C’était beau à voir et instructif à écouter. Le débat était simple et clair : d’une part, le droit au travail est lié au devoir de le chercher, et ce n’est pas à l’Etat de le trouver. D’autre part, la culture n’est pas un adversaire du chômage et de la misère, mais un allié et un moteur pour y remédier. Je crois que quand on a compris cela, on a tout compris. Bon week-end à tous ceux et toutes celles qui se battent pour la liberté et pour la culture. Quant aux autres…

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