Chroniques

Mieux vaut en rire : Et pourtant, ça marche…

© D.R

Je voudrais d’abord reconnaître que j’ai probablement déjà utilisé ce titre, avant, ailleurs ou dans une autre vie, mais qu’importe ! D’ailleurs cette expression n’est même pas la mienne et je ne fais que l’emprunter à feu l’éminent professeur de sciences politiques et grand orientaliste devant l’éternel, Bruno Etienne. J’avais assisté à quelques-uns de ses cours alors qu’il enseignait encore dans notre pays. A chaque début de séance, Bruno Etienne avait l’habitude de nous raconter des anecdotes qu’il avait observées ou auxquelles il avait directement et indirectement participé.

Ces récits étaient souvent l’occasion pour lui d’exprimer ses critiques caustiques, mais toujours sincères car très argumentées de la situation sociale et politique du Maroc qu’il semblait aimer beaucoup plus que les Marocains eux-mêmes. A la fin de chaque anecdote, il sortait toujours cette même phrase : «Et pourtant, ça marche !». D’ailleurs, à force de la répéter, c’était devenu un jeu entre lui et ses étudiants. Il suffisait qu’il dise : «Et pourtant…», pour que l’ensemble de l’amphi crie en chœur et avec le sourire : «ça marche !». Si j’ai tenu à vous raconter tout ça, c’est parce que je suis de plus en plus persuadé que notre formidable bled doit sûrement bénéficier d’une grâce dont je ne saurais vous révéler la source.

Toujours est-il que malgré toutes les défaillances de gouvernance et autres que connaît le Maroc, non seulement rien de trop grave ne nous arrive, et même quand cela arrive, notre pays continue à chaque fois de fonctionner comme si de rien n’était. Bref, en un mot comme en mille, nous arrivons toujours, hamdoullah, à nous en sortir. A ce propos, permettez-moi de vous raconter à mon tour une petite anecdote pour étayer encore plus ma thèse quelque peu boiteuse. Au lendemain des odieux attentats du 16 mai, si vous vous souvenez bien, on avait organisé à Casablanca une marche de dénonciation et de soutien aux familles des victimes.

A la fin de la marche, j’avais rencontré la grande anthropologue et néanmoins amie, la regrettée Zakia Zouanate, avec laquelle j’avais échangé quelques mots sur l’événement en lui exprimant notamment mon soulagement sur les dégâts relativement limités de ces lâches attentats. Et savez-vous ce qu’elle m’avait rétorqué ? «Tu sais, Si Mohamed, ce pays est protégé par ses saints». Je connaissais bien les profondes préoccupations spirituelles de Zakia, mais moi, l’incroyable cartésien, l’impie notoire et le contradicteur chronique, je n’avais pas pu piper mot.

Je lui avais souri, mais je vous avoue qu’elle m’avait vraiment sonné. Aujourd’hui, si je me suis remémoré tout ça, c’est parce que nous traversons actuellement une période assez tumultueuse et, en tout cas, assez incertaine ne serait-ce que parce que nous vivons depuis plusieurs semaines avec un gouvernement provisoire avec en son sein des ministres dont le parti est dans une opposition tous azimuts, et ce, dans l’attente d’une nouvelle équipe qu’on peine, selon toute vraisemblance, à mettre sur pied.

En attendant, on n’a pas le temps de s’ennuyer puisqu’à longueur de journée, on nous parle de tel ministre qui a fait une bourde ; d’un autre qui n’est pas d’accord avec son collègue qui a fait la bourde, mais qu’il défend quand même; d’un autre encore qu’on accuse d’avoir fait une bourde, ailleurs d’ailleurs, mais qui jure ses grands dieux que si bourde il y a eu, c’était indépendant de sa volonté; ou zide ou zide. Bref, rien ne va plus ou presque et… pourtant, ça marche ! Et oui! Personnellement, je suis incapable de vous expliquer comment lorsque tout semble marcher de travers, ça continue de marcher quand même. A vrai dire, on ne devrait pas s’en plaindre, bien au contraire.

Et c’est pour cela que je vais m’empresser de remercier le Bon Dieu et tous Ses saints de cette protection miraculeuse, avec l’espoir cependant qu’on apprenne un jour à compter un peu plus sur nos propres forces. Dans l’attente, je vous souhaite et me souhaite une bonne patience et un très bon week-end.

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