Chroniques

Mieux vaut en rire : Les pères fouettards et les paires de ciseaux

© D.R

C’est ce week-end, si tout va bien, que s’ouvrira la 14ème édition du Festival national du film. Pour ceux et celles qui ne le connaissent pas, le FNF est une grande kermesse cinématographique organisée tous les ans, du moins depuis quelques temps, dans la magnifique ville de Tanger et qui permet aussi bien aux professionnels du cinéma qu’aux simples cinéphiles de voir quasiment l’ensemble de la production de l’année écoulée et d’en discuter, en toute liberté, dans une ambiance conviviale de toute beauté. C’est ainsi qu’à l’instar des années précédentes, des centaines de festivaliers, bien chanceux, il faut le dire, vont pouvoir voir plusieurs dizaines de films de long et de court métrage et se faire une idée de la récolte de la saison. Bien sûr, parmi les créations qui seront projetées, il y en aura forcément des bonnes, des moins bonnes, et il est même possible que certaines d’entre elles seront carrément médiocres, ou, en tout cas, qui ne plairont pas à tout le monde. Mais, ce qui est essentiel, c’est que nous aurons l’occasion de les voir tous, et, par conséquent de les juger tout, et ça, c’est un des immenses acquis de notre jeune et fragile démocratie. Si je vous ai fait cette si longue tirade explicative, c’est parce que nos gardiens du temple – que d’ailleurs personne n’a recrutés ni n’a délégués – se sont de nouveau réveillés pour surveiller ce qu’on va voir et veiller à ce que rien de répréhensible, de coupable ou de honteux ne ternisse notre regard qui doit rester, à leurs yeux, chaste et pur pour pouvoir mériter leur estime perpétuel et l’éden éternel du ciel. Je fais mine, comme ça, de plaisanter, mais au fond de moi-même, vous ne pouvez pas savoir combien je suis furax ! En vérité, ce qui me chagrine le plus, c’est que contrairement aux autres fois où ce sont les gendarmes de la foi qui nous sortent des cartons rouges ou des bâtons noirs, parce qu’ils sont dérangés par l’image d’un baiser trop osé ou parce que le plan d’une simple caresse les agresse, je viens d’apprendre la constitution à l’occasion de ce festival d’une alliance sacrée formée d’une multitude d’organisations de tout genre et de tout bord, pour empêcher un film de participer à la compétition, car il serait, selon eux, «pro-sioniste». La terrible insulte et la belle blague ! Autant je peux comprendre que certains censeurs veuillent protéger notre intégrité morale et physique pour sauver notre âme parfois maléfique, autant je suis outré d’apprendre qu’une partie du camp de la liberté et de la tolérance se soit mise de leurs côtés. C’est insensé et c’est impardonnable ! Et c’est d’autant plus inquiétant que l’œuvre en question qui a été réalisée par un jeune artiste marocain ne fait que relater et rappeler l’histoire indéniable et ineffaçable commune aux communautés juive et musulmane au Maroc depuis la nuit des temps. Et c’est d’autant plus surprenant que cette même œuvre a été diffusée par une chaîne publique nationale sans que cela n’ait provoqué de rejet ou de répulsion des téléspectateurs, ni, encore moins de manif ou d’émeute. Alors, franchement, qu’on nous dise une fois pour toutes, si oui ou non, nous sommes en démocratie, et donc, que nous sommes assez mûrs pour pouvoir voir tout ce que nous avons envie de voir, sans que personne, qu’il soit partisan engagé, syndicaliste ouvrier, associatif éclairé ou même fqih illuminé, n’ait le droit de nous indiquer le bon chemin ou le bon film ! Croyez-moi, la culture a toujours fait peur aux incultes et aux conservateurs, et si on se tait et on les laisse faire, on risque un jour d’être tous et toutes en face d’un seul et unique affreux écran noir. Alors, lumière !
Bon festival, les festivaliers et bon week-end les autres.

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