Chroniques

Mieux vaut en rire : Spécifiques de tous le pays, unissez-vous !

© D.R

Le Maroc est authentiquement exceptionnel et il faut être autiste ou nihiliste pour ne pas le reconnaître. Je vous avoue que j’en ai douté pendant longtemps, mais chaque jour que Dieu fait, je découvre que notre pays ne ressemble vraiment à aucun autre. Et voilà que le 1er mai, grande journée internationale chômée et payée s’il en est, vient à son tour me confirmer que notre pays est exceptionnel à tous les niveaux, y compris  celui de la lutte des classes qui, d’ailleurs, n’a aucun sens chez nous. Essayez juste d’imaginer un défilé contestataire car défendant théoriquement la cause des prolétaires, qui regroupe en son sein, en plus des leaders syndicalistes avec leurs costumes griffés et leurs casquettes martelées et faucillées de circonstance, des marcheurs et hâbleurs de tous les genres et de toutes les castes. C’est l’union nationale consensuelle, unanimiste et singulièrement plurielle dans toute sa splendeur. Attention, ne perdez pas le fil, je vais vous énumérer : de grands patrons de grandes entreprises capitalistes qui font de l’exploitation de l’homme par l’homme un mode de management moderne; des leaders politiques de la majorité qui passent leur temps à taper sur le gouvernement pour le manipuler ou le remanier, allez savoir; des ténors de l’opposition parlementaire qui crient à hue et à dia probablement pour qu’on ne les entende pas;  des étudiants diplômés éternellement chômeurs, les uns aux bras de leurs conjointes enceintes, les autres poussant des landaus hurlants ou traînant des mioches turbulents ; et enfin des ministres, des ex, des actuels ou des futurs qui lèvent le poing et élèvent la voix comme de vulgaires activistes subversifs rescapés des dernières années de plomb. Et les ouvriers dans tout ça ? Qu’est-ce que j’en sais, moi? Ils sont peut-être en train de faire du footing sur la corniche ou en train de jouer au tiercé  ou au loto car, leur dit-on, c’est tellement plus fastoche que le boulot, et ça rapporte parfois très gros, mais seulement aux déjà gros. Bon, maintenant je vais essayer d’être sérieux deux minutes. Moi, je veux bien croire qu’on n’est pas comme tous les autres vilains qui passent leur temps à se chamailler pour avoir leur petite part de pouvoir avec lequel d’ailleurs ils ne vont pas pouvoir faire grand-chose, mais, franchement, qu’est-ce que vous, qui n’êtes ni tarés, ni obtus, ni de mauvaise foi comme moi, pouvez déduire de tout cet imbroglio syndicalo-médiatico-politico-comique ? Est-ce que quelqu’un de sensé parmi vous pourrait m’expliquer comment le patron de notre gouvernement en personne, en chair, en os et en cravate, peut être, en même temps, au coude-à-coude avec de pauvres employés syndiqués mais pas forcément déclarés, maigres et pâles comme une journée sans lentilles, et face à son allié et rival de la majorité opposante à la moustache imposante, tous chantant les mêmes slogans sous le même refrain : «Si vous ne nous donnez pas nos droits, nous allons les prendre de nos mains, et nous allons le faire aujourd’hui avant demain» ?  C’est quoi cette cacophonie stéréophonique ? Qui se moque de qui ? Qui est le dindon de la farce ? En vérité, moi, je connais bien le dindon, quant à la farce, personnellement, elle ne me fait plus rigoler tellement elle est grosse et grasse. Oui, je sais que je ne devrais pas dire tout ça, et surtout en ce moment, mais quand je réfléchis, je me dis parfois qu’après tout, quand je vois ce que je vois et j’entends ce que j’entends, je ne suis pas le seul à dire et à faire n’importe quoi. Au moins sur ça, nous les Marocains, nous sommes tous les mêmes.  Quelle belle preuve de spécificité !
Bon week-end à tous les bons patrons et à tous leurs doux prolétaires.  Quant aux autres…

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