Chroniques

Périscope : Absurde

© D.R

Sa réputation de métier difficile, le journalisme ne l’a, certes, pas volée. Ces derniers jours, l’on s’est rendu compte qu’il est devenu un métier à hauts risques et qu’il ne faisait pas bon d’être journaliste-reporter couvrant les événements chauds. Notamment lorsque l’on appartient à un média ayant signé une véritable révolution dans le monde de l’information. Al-Jazeera a, en effet, bouleversé un ordre qui avait été établi depuis des décennies. La chaîne qatariote a le mérite d’avoir inversé le courant normal des choses, de sorte que le flux d’information soit orienté du Sud vers le Nord. Une première dans l’Histoire. Le monopole et l’hégémonie que détenait imperturbablement CNN ont aussitôt fait de s’estomper. Le contrôle de l’information n’était plus du ressort de la superpuissance américaine. L’opinion avait désormais droit à toute l’information, y compris ce qui était délibérément zappé par le sceau de la censure. Moult abjections qui, auparavant, ne traversaient pas les mailles du contrôle, étaient du jour au lendemain livrées au grand public. Afghanistan, Palestine, Irak… rien n’y échappait. Une situation qui n’était pas sans susciter quelques irritations. Du coup, Al-Jazeera fera l’objet d’agissements sans précédent en guise de représailles. Outre le blocage de son site Internet, victime de l’attaque d’un cyber-terroriste américain, Al-Jazeera sera la seule station, sur les vingt-six médias inscrits au New York Stock Exchange, à avoir perdu son accréditation auprès de cette institution, en raison de sa couverture de la récente invasion de l’Irak. Les mesures de représailles n’allaient pas s’arrêter là. Les journalistes de la chaîne se retrouveront soudainement, et de façon curieuse, sous les tirs des forces américaine. Plusieurs reporters de la chaîne qatariote payeront de leur vie la couverture de la guerre en Irak, à l’image de Tarek Ayoub ou Mazen Dana tout récemment. Aujourd’hui, la guerre déclarée aux journalistes d’Al-Jazeera a amorcé un virage dangereux. Ainsi, Tayssir Allouni, le reporter vedette d’Al-Jazeera, soupçonné par la justice espagnole d’avoir des liens avec Al-Qaïda, a tout bonnement été arrêté en Espagne. Est-ce l’omble de l’absurde, ou est-ce un geste de plus pour s’approcher davantage de la vision américaine et s’aligner ainsi sur l’axe du bien ? Tayssir Allouni est l’homme qui a longtemps dérangé, aussi bien par ses interviews explosives, comme celle que lui avait accordée Oussama Ben Laden, au lendemain des attentats du 11 septembre, que par sa couverture de la guerre en Irak et son franc parler, excessif pour certains. Mercredi dernier, ce fut le tour d’une correspondante de la chaîne qui fut arrêtée en Irak par les forces américaines. La campagne de muselage semble battre son plein. La liberté d’expression semble, quant à elle, battre en retraite.

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