Chroniques

Point de vue : Face à la fascination de la mort… l’envie de vie !

© D.R

J’étais invité le week-end dernier à intervenir lors du Forum du Festival des musiques sacrées de Fès sur le thème de la jeunesse et de la culture.

J’ai intitulé mon intervention «Envie de vie». J’ai été beaucoup questionné sur le sens de ce titre: j’ai répondu que selon moi la «culture est la solution», la culture est l’antidote à la fascination de la mort, que veulent exercer sur nos jeunes -notamment les plus fragiles- les semeurs de haine, ceux qui embrigadent, antidote à la fascination de la mort qu’implique la prise de psychotropes, ou encore antidote à la fascination de la mort que représente la tentation d’immigration clandestine dans «des barques de la mort» précisément …/…

Envie de vie en réponse à ce jeune qui m’a dit «je suis mort dans ma tête depuis si longtemps». Envie de vie car à 20 ans c’est le sentiment naturel que doit éprouver tout jeune,

Envie de vie car notre jeunesse est porteuse de tant et tant de projets culturels, sociaux, humanitaires…tant de projets de vie…

Envie de vie car comme l’ont dit lors de ce débat du Forum des musiques sacrées de Fès, Omar Mrini et Sami El Mradmi de l’association Par-Delà les Remparts, nous devons saisir la main tendue et aider notre jeunesse à trouver sa place dans notre société… sous peine de laisser cette jeunesse livrée à elle-même et aux vents mauvais.

Je vous propose ici un résumé de mon intervention :

«Beaucoup de jeunes voient la société dans son ensemble comme injuste. Ils subissent, d’une part, une « violence symbolique», celle de certaines institutions et des «nouveaux riches» qui exercent une pression invisible mais néanmoins oppressante sur la jeunesse des «classes populaires» l’image du jeune des quartiers riches de Casablanca roulant en décapotable à côté d’un jeune des quartiers pauvres de cette même ville, sur son vélo, cassé et bricolé, n’est hélas nullement caricaturale. D’autre part, ils vivent une «victimisation collective». Celle-ci concerne le sentiment de persécution collective propre à une certaine jeunesse des quartiers populaires, qui trouverait en quelque sorte écho dans la «théorie du complot» et une perception cynique du monde social.

Ces ressentiments ne concernent pas seulement la jeunesse marocaine, mais la jeunesse française des banlieues qui vit ou a vécu les mêmes situations.

Le banditisme, le crime, le terrorisme sont autant de formes de violence, dont le plus souvent les adultes sont acteurs, voire recruteurs. Les parents, éducateurs, enseignants, forces de l’ordre, partis politiques, élus, société civile… devraient alors se pencher sur les causes de cette violence et tenter d’y apporter propositions et remèdes. La société marocaine, à l’instar d’autres, regorge de signes de violence liés au rythme de vie. La corruption et le mépris sont une sorte de violence aussi.

Les jeunes relégués dans la marginalité sont fragiles et vulnérables et peuvent donner à un certain moment un signal de violence. Les plus remarqués ces dernières années sont le phénomène de «tcharmil», le hooliganisme, etc. D’autres signes de la souffrance des jeunes sont présents. On peut citer la tentation de la migration clandestine, la drogue, le suicide, la fascination de la mort. Puis, enfin, viennent des signes physiques de radicalisation qui ne trompent pas : changement vestimentaire, uniformes gris : abaya et pantalon court, coiffure, barbe, regard, etc. et de comportement : souvent rupture avec les proches et avec la mère en particulier. Pour ces jeunes, la vie n’a plus de valeur : mourir est un acte de gloire. Ce n’est pas tant la misère matérielle qui donne lieu à la radicalisation, mais surtout la misère culturelle, le vide, qui minent les jeunes. Les jeunes de nos quartiers vivent dans une misère culturelle absolue et un désert sexuel et affectif cruel. Dans ce contexte, un discours du type: «Regarde ce qu’on a fait de toi ; tu es manipulé dans ton pays et à l’étranger, nous t’offrons une nouvelle voie, celle de réussir ta mort et ta deuxième vie» est redoutablement attractif. Pour agir efficacement et concrètement, il nous faut :

• Faire un travail sur la logique de transmission de valeurs.

• Penser à un moyen de faire vivre la mixité. La construction de quartiers neufs où des bâtiments sont posés comme des barres de béton, sans lieux de vie, sans lieux de socialisation, sans espaces sportifs… est néfaste pour la mixité et la paix sociale.

• Mettre la culture au premier rang des préoccupations.

• Former des médiateurs, des animateurs culturels, des animateurs sociaux. C’est à ce prix que nous offrirons à notre jeunesse l’espace qui lui permettra de s’épanouir, d’émerger, de contribuer efficacement au progrès de notre société, je le répète encore une fois -je ne me lasserai jamais de le dire et de le redire- nos jeunes ont le potentiel, les talents, l’envie d’être acteurs de leur vie et de l’avenir de notre pays, encore faut-il que nous leur en fournissions l’opportunité !

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