Chroniques

Point de vue : Le mouvement associatif s’épuise !

© D.R

Dans notre pays lorsque nous parlons de la société civile il faut savoir que ce terme recouvre en fait des entités distinctes.

Il y a les «personnalités de la société civile», c’est-à-dire celles dont  le nom à lui seul est significatif : leur militantisme, leur renommée, leur position sociale, leur patronyme, leur engagement pour ce que l’on nomme les «grandes causes» sont leur carte de visite, elles sont parfois d’ailleurs à la tête d’organisations qui ont fait leurs preuves. Elles sont invitées à des colloques, des débats, des sit-in, des signatures de pétitions, des rencontres ministérielles et autres car elles sont une valeur ajoutée et leur poids moral est bienvenu dans le combat… Il va de soi qu’ici je ne parle pas des bling-blings aussi brillants que creux mais bien de ces personnes dont l’engagement a un sens et une réalité concrète.

Sous l’intitulé de société civile on retrouve également les grandes associations, les ONG, les Fondations dont la plupart possèdent ce que l’on appelle «l’utilité publique» qui font un travail remarquable et qui sont dotées d’un budget auquel les grandes entreprises et les mécènes contribuent. Parmi les plus connues on compte l’Alcs, la Fondation Rita Zniber, Solidarité Féminine, Insaf, l’Heure Joyeuse, l’Amesip, etc. Et puis enfin existe cette myriade d’associations de terrain, qui constituent un fabuleux réseau social à travers tout le Royaume et qui sont souvent le fruit de la mobilisation de jeunes ou encore de femmes et qui agissent dans les quartiers, les écoles, les douars, les communes rurales, le tissu urbain, les régions enclavées, les bidonvilles… Elles sont à vocations multiples et embrassent tous les domaines qui touchent à la vie quotidienne de nos concitoyens : culturel, social, sportif, citoyen, humanitaire, éducatif, artistique, etc.

Elles doivent tout à la prise de conscience et à l’engagement d’un groupe de jeunes ici, d’une poignée d’étudiants là ou encore d’une équipe de femmes ailleurs : le maillage territorial que représentent ces militants de terrain, ces associations locales ou thématiques a un rôle fondamental et indispensable dans notre société car il évite que dans bien des endroits ne se déchire notre tissu social. C’est de ce mouvement associatif dont je voudrais vous parler, car c’est lui qui s’épuise. Dotées de peu de moyens, ces associations agissent avec l’argent des cotisations modestes des adhérents, la participation financière -forcément limitée- des membres et, lorsqu’elles ont de la chance, la contribution d’un(e) ou de donateurs, le bénévolat est leur meilleure arme ainsi que le dynamisme et la volonté à toute épreuve de leurs militants.

Elles font – il faut le dire et le redire – un travail remarquable et ont effectivement un rôle d’encadrement de la jeunesse et de la population. Pour autant elles s’épuisent : l’une des raisons principales est que -alors qu’elles sont reconnues et appréciées par la population- elles sont hélas ignorées par les élus voire «tenues à distance»; les locaux associatifs sont quasi inexistants et lorsqu’ils existent ne leur sont pas accessibles. Les exemples foisonnent de centres culturels et espaces sociaux édifiés dans le cadre de l’INDH dont ces associations pourraient tirer le meilleur exercice ; enfin leurs militants -notamment les jeunes- doivent se partager entre leur bénévolat, leurs études, leur travail lorsqu’ils en ont un ou leur recherche d’emploi. C’est là qu’il y a urgence à réfléchir à un statut du militant associatif, et par exemple à faire en sorte que l’engagement associatif soit pris en compte dans l’évaluation scolaire des étudiants, à permettre qu’un chercheur d’emploi puisse bénéficier de la gratuité des transports en commun lorsqu’il donne de son temps à une association et, peut-être encore plus important, que ces citoyens engagés au service de leurs compatriotes bénéficient de la reconnaissance à laquelle ils ont droit. Car le principal facteur de démobilisation de ces jeunes militants est bien là, la déception !

Ils sont saoulés de promesses, abreuvés de belles paroles, flattés lorsqu’un média est présent, voire courtisés en période électorale, mais rien ne se concrétise jamais, les paroles s’envolent et ils se retrouvent cantonnés à un rôle de spectateurs quand ce n’est pas de figurants alors qu’ils sont acteurs et ont vocation à être des interlocuteurs écoutés et pris en compte. Là encore l’INDH peut jouer un rôle considérable de «médiateur exigeant et contraignant» entre ces acteurs du terrain et les élus, les autorités et autres services publics. Pour connaître un nombre considérable de ces associations, de ces jeunes, de ces femmes investis corps et âme, je peux témoigner de leur foi et de leur investissement mais je dois aussi tirer la sonnette d’alarme : à force d’indifférence ils s’épuisent, pour le plus grand dommage de notre société si rien n’est fait…

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