Chroniques

Point de vue : Non au populisme, oui à la justice sociale

© D.R

Les trolls pourront bien se déchaîner, certaines armées du Web se mobilisent, certains pourront bien tenter de ne vouloir voir ici que les propos de quelqu’un à la recherche d’un Ouissam ou d’un agrément (lol) -comme ils l’ont fait lors de ma dernière chronique concernant Mawazine -ils ne feront que démontrer la faiblesse de leurs arguments…

Ainsi donc aujourd’hui nous en sommes arrivés à ce que certains décident de «ce qui est culture» et de ce qui ne l’est pas, ainsi donc certains décrètent que Stati ce n’est pas de la culture, tandis que d’autres décident que Beyoncé n’en serait certainement pas. D’aucuns affirment qu’un festival qui programme des artistes étrangers met en danger notre patrimoine culturel alors que d’autres affirment qu’un festival engloutit l’argent qui devrait être destiné à la construction d’une école, d’un hôpital. Dans tous ces cas on «veut le bien du peuple», voire on se veut «la voix du peuple». Oui mille fois oui nous avons un besoin urgent d’hôpitaux dignes de ce nom, oui mille fois oui nous avons besoin d’écoles dignes de nos enfants et de ce que nous voulons pour eux, oui mille fois oui les disparités sociales, les injustices, le mépris, l’exclusion doivent être combattus avec force, détermination et éradiqués sous peine d’implosion. Oui mille fois oui notre peuple mérite le meilleur, mais alors parlons avec franchise : est-ce au prix d’un populisme éhonté, est-ce au prix d’un discours simpliste et destructeur, est-ce au prix du sacrifice de tout un pan de notre diversité culturelle ???

Bizarre comme dans tous les populismes les victimes désignées sont toujours les mêmes : les femmes ou les jeunes ou encore la culture, cela devrait tout de même nous mettre la puce à l’oreille sur les véritables raisons de certains instigateurs du boycott… Entendons nous bien ce n’est certes pas le peuple qui est en cause, les Marocain(e)s sont à la recherche d’exutoires, de moyens pour exprimer leurs souffrances : cherté des prix, disparités sociales, relégations, hogra… mais bel et bien ceux qui utilisent ce mal-être à d’autres fins. Surfer sur les revendications de la population est-ce vouloir son bien… l’on sait où mènent tous les populismes !

Alors au Maroc 60 % de la population ont moins de 30 ans, c’est dire si la jeunesse y tient une place prépondérante ! Les chiffres l’attestent, pourtant dans un domaine bien spécifique – la culture – (même si la culture ne concerne pas seulement les jeunes, c’est vrai) les jeunes  souffrent cruellement du manque d’intérêt et d’action de ceux qui devraient en être des acteurs (ministère, municipalités, télévisions, etc). En 10 ans cependant, les choses ont beaucoup évolué, qui ont vu les jeunes s’engouffrer – et s’approprier – de larges espaces d’expression dans la culture et les arts justement !

Les cultures urbaines, les arts de la rue, la nouvelle scène, la mode… ce sont eux, le nouveau souffle du cinéma, du théâtre c’est aussi eux. Ils inventent, ils bougent, ils créent, ils innovent… Comment, dans ces conditions, expliquer que ce qui fait «l’âme» d’une nation, la culture en l’occurrence, devrait être mis au ban. Pourquoi ne voit -on pas fleurir des appels au boycott de ce qui cause nos maux : la corruption, l’inertie de notre administration, les incivilités, le populisme…

Bien sûr la vigilance des deniers publics s’impose à nous, comme à bien des pays, mais n’y a-t-il pas d’autres solutions que de toucher à la culture, alors que ce domaine est –avec le tourisme- celui qui permet le rayonnement de notre pays dans le monde entier ?

La culture est  vitale pour notre jeunesse, pour nous tous, elle qui nous grandit, nous permet d’accéder au beau, au nouveau, à la création, à l’expression… La jeunesse, plus encore que tout autre âge, est une période de la vie qui porte vers la curiosité, vers la nouveauté. Les jeunes Marocains ont le talent, l’envie, le besoin, la curiosité…il leur faut les moyens, il nous faut les moyens , pour qu’une politique culturelle digne de ce nom permette à tous ces talents de s’épanouir.

Ce qui ne signifie bien évidemment pas que la santé, l’éducation ne soient pas prioritaires mais si les moyens de faire payer leurs impôts à tous ceux qui y échappent étaient mis en œuvre, alors soyons certains que ce serait infiniment plus efficace que d’appeler au boycott de festivals.

Préservons cette faculté de créer, faisons fructifier ce bouillonnement culturel, permettons à nos jeunes d’enrichir leur identité – et donc la nôtre. Le Maroc est un pays de culture, et contrairement à ce que l’on entend trop souvent d’ailleurs, les Marocains sont épris de culture, il suffit pour s’en rendre compte de voir l’affluence lors des débats organisés, lors des différents Salons du livre et le succès des diverses manifestations culturelles lorsqu’elles sont abordables au grand public. La culture est ce qui nous sépare de «la barbarie» et elle est ce qui –parallèlement à l’éducation- construit l’âme des Hommes.

Parions sur l’intelligence des nôtres, plutôt que de les prendre en otages d’un populisme destructeur. Je sais bien que dire, écrire cela par les temps qui courent n’est pas «tendance», et bien tant mieux cela prouve que ce n’est pas du populisme et un signe de respect envers notre population !

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