Chroniques

Point de vue: Torture dans nos murs…

© D.R

La barbarie, la torture, la cruauté ont hélas encore cours dans notre société. Bien sûr nous le savons tous avec plus ou moins de conscience, par épisodes l’actualité nous remet le nez dans nos affres, mais l’affaire de la jeune Latefa révélée il y a quelques jours nous met avec une effroyable acuité face à nos responsabilités.

Cette jeune fille, originaire de Zagora, employée dans une famille casablancaise, a été soumise à des sévices innommables de par ses «employeurs», en vérité ses tortionnaires.

Il a fallu l’intervention de l’association INSAF, que le CNDH soit alerté et que 2M lui consacre un reportage pour que les souffrances de Latefa prennent fin. La clinique où elle a été hospitalisée devant la gravité des blessures -Latefa a entre autres été brûlée par une fourchette rougie sur le feu- a contacté la police qui a déclenché une enquête, le procureur du Roi a d’ailleurs fait incarcérer «l’employeuse». Les Marocain(e)s réagissent et c’est heureux et là est un bienfait des réseaux sociaux qui servent ainsi à alerter et à mobiliser, mais cette horrible affaire nous interpelle sur plus d’un point : pourquoi ce silence assourdissant de la ministre en charge de ces questions ? Pas un mot, pas un communiqué, pas un signe… Quid de cette loi votée il y a peu et censée mettre à l’abri «les petites bonnes», faut-il d’ailleurs rappeler que nos députés ont avec cette loi autorisé «l’emploi» des enfants de 16 ans ! Il y a la Loi et il y a son application, or si sur le terrain nul n’est chargé de veiller à son application il est bien évident qu’elle ne sera pas mise en œuvre ; au moment du vote beaucoup de militants associatifs étaient montés au créneau pour demander que l’âge minimum pour l’emploi des jeunes soit plus élevé… en vain !

Nos élus sont-ils à ce point déconnectés de la réalité, de notre quotidien, pour ne pas voir nos évolutions, nos manques, nos déficits, nos tares…qu’ils prennent donc l’habitude de consulter la société civile, de rencontrer les acteurs de terrain et peut-être enfin auront-ils une vision plus juste de notre société. Enfin l’on peut s’étonner que nul ne soit intervenu plus tôt pour mettre Latefa à l’abri de ses tortionnaires: pas un membre de la famille de ses «employeurs», pas un voisin ? Personne ne s’est-il rendu compte de quoi que ce soit ? Difficile à croire dans une société où le tberguig est le passe-temps favori, plus plausible serait le fait que personne n’ait voulu «s’en mêler». Ce qui est tout simplement de la non-assistance à personne en danger et me rappelle un triste épisode vécu : alors que je souhaitais intervenir pour m’interposer dans le «tabassage» en règle d’une voisine par son époux, j’en avais été empêché par de belles personnes me disant «cela ne nous regarde pas, c’est sa femme !»

Eh oui, nous en sommes hélas toujours là ! Faut- il s’en étonner quand sur certaines radios de «pseudo fqihs» délivrent messages et conseils d’un autre âge ? Faut-il s’en étonner quand de pauvres femmes font le déplacement de Beni Mellal à Essaouira non pas pour récupérer un panier de denrées alimentaires offert par un «bienfaiteur» mais pour bénéficier de la «baraka» que celui-ci est censé posséder ?

Tant que sur toutes ces questions nous ne ferons pas le nécessaire travail sur les mentalités nous n’en sortirons pas ;  les ONG, les associations font de leur mieux mais les élus, le gouvernement ont-ils une quelconque vision d’un programme à mettre en place ?????

La route sera longue… Dans l’immédiat il est urgent que chacun se mobilise pour que l’affaire de la jeune Latefa serve d’exemple : la journaliste engagée et vigilante qu’est Narjis Rerhaye a lancé une pétition en ligne qui a déjà récolté plus de 350 signatures, en voici le texte :

«Ni notre silence, ni notre complicité…la barbarie est en nos murs.

Latefa une jeune fille – de celles que l’on dénomme «petites bonnes» – originaire de Zagora et «employée» par un couple à Casablanca a subi l’horreur.  Torturée par ses employeurs: ils avaient, entre autres, l’habitude de la brûler avec des fourchettes rougies sur le feu, elle a été transportée hier dans une clinique casablancaise où ses bourreaux l’ont abandonnée après avoir déposé un chèque.

Alertée par la clinique la police a déclenché une enquête et grâce à l’association INSAF qui a réussi à établir un lien de confiance avec Latefa, celle-ci a pu parler et décrire son calvaire. 2M consacre un reportage à cette affaire, il est impossible que les choses s’arrêtent là ! À nous tous Marocain(e)s de nous mobiliser pour que ces actes de barbarie soient punis à la hauteur de leur inhumanité, de leur horreur.

Notre silence ferait de nous des complices, les «sans-voix» doivent pouvoir compter sur notre indignation, notre solidarité, notre mobilisation à nous qui avons ce «pouvoir» de nous exprimer. Les générations actuelles et futures ne comprendraient pas notre inertie et elles auraient raison, nos consciences non plus ne nous pardonneraient pas notre indifférence, qu’attendons-nous?

Nous sommes en droit, nous avons le devoir d’exiger un procès exemplaire et une condamnation qui rende justice à cette jeune fille, qui doit devenir notre cause commune ! »

SIGNONS-LA !

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