Chroniques

Sheva Fruitman : Une photographe à Marrakech

© D.R

Quand on parle de Marrakech, on se souvient bien de ces fameuses cartes postales montrant les différents sites de cette belle ville tels que la place Djamaâ El Fna, la Koutoubia, la Menara, la Palmeraie avec derrière l’Atlas enneigé, les souks…
Je veux dire par là qu’il y a matière à photo, un domaine où l’artiste peut puiser sans cesse pour son inspiration et pour des recherches photographiques. A ce sujet, Marrakech a provoqué ce « choc » pour une jeune Américaine, venue pour vacances la première fois, mais, a décidé d’y rester car elle a été prise et envoutée par ce lieu qui lui procure matière et champ de travail incessant.
Il s’agit de Sheva Fruitman, originaire de la ville de Hilliams Burg en Virginie où elle passa son enfance auprès de ses parents : son père, scientifique dans le nucléaire programme, avocat par la suite en Pennsylvanie mais intellectuel de surcroît, accompagnant et supportant son épouse, Sandra qui était artiste-peintre mais aussi spécialiste dans le tissage et la poterie. Après donc ses études primaires et secondaires, Sheva entreprend des études universitaires dans le domaine de l’art, d’abord au Bard collège de New York puis au Parsons pour finir à la Colombia Université. Bardée de diplômes et d’une expérience assez intéressante, elle va se glisser dans le monde de l’art et de la mode. Il faut rappeler que Sheva était l’élève de Lisette Model, très célèbre à New York et référence mondiale dans ce domaine artistique. Au début, Sheva s’est faite toute petite en faisant des stages pour renforcer son expérience. Elle entreprend des passages, notamment chez plusieurs magazines connus comme : Mademoiselle, Esquiri et Vanity Fair. C’est pendant cette période qu’elle va se frotter à des grandes de la photographie comme pour ne citer qu’eux : David Bailey, Irvin Penn, Richard Aedon et Horst Leibovitch. Auprès d’eux, elle regarde, elle enregistre, elle apprend et elle se perfectionne. C’est le métier qui rentre, comme elle me le dit : « J’étais dans une période de formation, d’apprentissage et surtout j’étais dans l’expectative… ». Du reste, sa première exposition représentait son travail de fin d’études, si bien appréciée par ses professeurs et les spécialistes du domaine qu’une galerie de New York lui propose de l’abriter pendant quelques semaines. Dans sa vie d’artiste, Sheva Fruitman a subi certainement l’influence de sa maîtresse de travail Lisette Model en se fixant sur un sujet qui l’envahit: « People in the street» (les gens dans la rue), un sujet vaste et dans lequel on retrouve la vie, les expressions les traductions, le comportement, une façon propre retraçant la civilisation de chaque peuple. Ainsi Sheva va avoir plusieurs expériences artistiques dans sa vie, une évolution intéressante qui va la rendre connue et de plus en plus célèbre.
On peut diviser sa vie artistique en quatre. Tout d’abord les expositions qu’elle commence dans de grandes maisons et galeries comme: Paul-Smith, Sarah-Moon, Ralph Lauren, Citybank, Victoria and Museum Albert. Puis, elle expose en 1997 au Munder Skiles de New York, à la Hamilton galerie de Londres, à la galerie Scaley Wise de New York, à l’Egg de Londres. En 1998, elle réexpose à Special photographers Gallery de Londres. Elle enchaîne l’année d’après à la Kodak Gallery de Tokyo.
En 2000, c’est de nouveau la Scaley Wise qui abrite ses oeuvres pour aller à New York au Dimson Homma de New York. C’est en 2001, en s’installant à la Médina de Marrakech la rose qu’elle va exposer au Riad Tamesna chez notre amie Madame Lou Martin.
En 2002, elle retrouve New York en exposant des oeuvres dont une grande partie réalisée à Marrakech, au musée Albert et Victoria. On s’aperçoit déjà du parcours bien rempli de cette jeune Américaine qui me dit : « Mon coeur est partagé en deux pour Yew York, mon pays et ma famille puis Marrakech qui est devenue le siège de mon atelier de mon inspiration. Quand je l’ai rencontrée, il y a quelques temps puis la semaine dernière, c’était pour voir son exposition actuelle qu’elle a choisi de faire pendant deux mois jusqu’à fin février 2004, en pleine Médina dans un endroit super qui se nomme « Dar Chrifa », vieille maison au quartier Mouassine que son propriétaire a renovée pour la rendre un lieu de rendez-vous intellectuel. Notre ami Abdellatif a eu une très bonne idée d’implanter dans cette maison, un lieu où écrivains, chercheurs artistiques, chanteurs (gnaoua par exemple) peuvent se rencontrer, discuter et échanger leurs expériences intellectuelles, un endroit où l’expression, mixage, échange, Nord-Sud où brassage prend toute sa forme et sa signification.
A mon avis, ce genre de café-galerie est l’endroit propice pour apprendre et valoriser la tolérance, la culture, la connaissance et le respect d’autrui. Sheva a ensuite participé à plusieurs publications par ses photos citons entres autres, Harpera Bazaar, Word of interiors, AD France, House and Garde House Beautiful, Elle décoraion, Travel and Leisure, Departures, Glamour, New York magazine, Esquire, Victoria, The New York Times, The Independant, The Observer, le Monde et bien d’autres… Sheva peut se prévaloir d’avoir été l’une des fournisseurs des maisons : Ralph Lauren, Paul Smith, Browns et APC, Jean Touitou. Si ses photos-toiles ont décoré ces maisons, elle a aussi place pour ses oeuvres à la Citybank, chez Polaroïd et dans le « Nuseum Victoria and Albert, dans l’Amsterdam Hug Gallery et bientôt en 2005 elle sera à Paris, rue Bonaparte à la galerie Lucie Weill & Selligman.
En demandant à Sheva, pourquoi Marrakech a pris son coeur elle me répond que lorsqu’elle est venue il y a une douzaine d’années avec un ami américain qui connaissait Marrakech. Ce dernier lui a présenté un guide (parlant 5 ou 6 langues : Mustapha). Elle m’annonce que ce guide était très intéressant, il fait visiter sa ville aux visiteurs, il en parle avec tellement d’amour, d’histoire et de coeur qu’il avait ensorcelé Sheva. Quelques années plus tard, Sheva est commanditée par Departures magazin pour un reportage sur Marrakech. Elle retrouve Mustapha qui l’aide, qui lui ouvre des portes et qui lui présente un homme : Robbin Hardim, un Français installé dans un riad qui lui aussi l’adopte, l’aide et lui fait faire des belles photos. Elle me raconte : « Le jour de mon départ, il a refusé que je prenne un taxi pour l’aéroport ». Sheva est partie envoûtée et c’est la décision de venir s’installer à Marrakech, sa deuxième patrie aujourd’hui. Quand elle me parle maintenant de notre ville elle me dit : « C’est curieux, j’ai l’impression que j’étais toujours là, peut-être même dans une autre vie, les visages et les paroles ne me sont pas étrangers, c’est bizarre.
Je vois les sourires et j’ai l’impression d’avoir déjà vu cela, comme ma famille. Ici j’ai la chance d’avoir une autre famille Asma Agueznay (bijoux), Mounat (peintre), et bien d’autres… comme Tami Tazi, son fils Sadek et sa fille Nadia (spécialistes des caftans) qui sont venus accidentellement à ma première expo à Marrakech.
Suite à cela et pour ce qu’elle pense du Maroc et Marrakech en particulier, Sheva participe à la promotion de notre pays par de grands reportages qu’elle a réalisés pour « Départures en 2002 » : (les trésors de Marrakech), et dernièrement en avril 2003, pour « Elle décoration », magazine anglais où elle a collaboré avec Trevor Hopkings et bien sûr elle a réalisé toutes les belles photos de « City Guide Knopf et New York ».
Aujourd’hui, Sheva Fruitman est une femme simple, calme, souriante qui goûte comme son nom l’identique aux « fruits délicieux » de Marrakech. Son objectif comme elle le déclare : « C’est de fixer beaucoup de choses, de les percevoir et de les mémoriser en photo. Je ne cherche pas les choses compliquées, car une belle chose c’est celle qui est simple, merveilleuse et au Maroc, contrairement à chez nous ou en Europe, tout est simple, agréable, souriant et accueillant sur ce plan, j’apprends de grandes leçons de comportement et de valeurs au Maroc, ce beau pays promu à un grand avenir dans ce monde si déstabilisé et si choquant.
Sheva projette de réaliser une grande exposition multimédia pour montrer une autre dimension de Marrakech où on n’a pas le stress de New York. Car à Marrakech, elle ne prend pas taxi après taxi, elle marche, elle observe, cela lui permet de réflechir calmement et de bien produire dans son travail. Elle conclut : New York ma maison d’enfance et ma famille, Marrakech c’est mon labo, mon atelier, j’aime… »

Articles similaires

Chroniques

Le Polisario, un poison africain

Que ce soit sur le plan diplomatique ou sportif, le Polisario pose...

AutreChroniques

Santé mentale et pouvoir d’achat

Il nous faut faire de la santé mentale des Marocains une priorité...

Chroniques

Chère prise de parole en public

Pour prétendre à te prendre en public, toi chère prise de parole...

Chroniques

Une véritable transformation et évidence du paysage socio-économique

Le rôle incontournable de la femme ingénieure au Maroc