Chroniques

Tous nos «Mi Fatma et Ba Mahjoub»

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Il y a quelques jours une jeune journaliste, Chahida  Lakhwaja, découvre dans un quartier de Marrakech un couple de personnes âgées, Mi Fatma, 80 ans, et Ba Mahjoub, 92ans, et malheureusement aveugles, tous deux ayant «toute leur tête» et liés par une tendresse infinie qui les soude depuis- et pour- l’éternité. Le drame est que ce couple vit dans un «trou» immonde, abandonné de tous et dans des conditions d’hygiène indignes, la (mauvaise) solution serait de les placer dans une Maison de retraite, or justement ce lien qui les unit rend cette proposition impensable car il faudrait alors les séparer.

Aussitôt un petit groupe d’internautes décide de bouger et de faire bouger, et après avoir rendu visite à Mi Fatma et Ba Mahjoub, décident de créer un Groupe de solidarité sur Facebook… très vite la Toile s’emballe et l’émotion fait boule-de-neige : le nombre de membres grossit, le site d’infos sur le Web, «Le 360», relaie la nouvelle et c’est un formidable élan de soutien qui voit le jour.

Chacun(e) y va de sa proposition et de sa participation : une collecte s’organise, des personnes commencent à rendre des visites au vieux couple, des matelas sont offerts, le nettoyage des 2 mètres carrés dans lesquels vivent Mi Fatma et Ba Mahjoub sont nettoyés par des bénévoles d’un groupe dénommé les «Mamakech», des denrées alimentaires sont offertes…c’est toute une chaîne de solidarité qui s’improvise.

Il se trouve justement que le thème du Café Politis organisé ce 31 octobre est «Nos jeunes entre désirs et contraintes, le nécessaire dialogue des générations», il est ainsi l’occasion pour appeler à ce que nos anciens ne soient plus oubliés, pour que les jeunes générations assument le devoir de mémoire, de soutien que nous devons à nos aînés, et du coup c’est tout le sujet «Dialogue entre les générations»  qui prend une autre dimension… Il faut donc espérer que ce groupe de solidarité passera du virtuel au concret rapidement et qu’il redonnera confiance aux nombreuses personnes échaudées par d’autres initiatives par le passé…

Alors certes, bénévoles, militants, simples citoyens ont bougé dès que la misère de ce couple qui représente à lui seul le symbole de nos parents et grands-parents a été connu, mais pour un cas mis en avant et «sauvé» combien existe-t-il de Mi Fatma et Ba Mahjoub à travers notre pays. Outre les devoirs des enfants vis-à vis de leurs parents, se pose la question des devoirs de la société vis-à-vis de ses anciens : une question se pose d’emblée : pourquoi un couple de personnes âgées ne peut-il continuer à vivre ensemble dans une maison de retraite ? Au nom de quoi doit-on les séparer ?

Bien d’autres questions se posent avec acuité sur un tel sujet… Si la famille a ici le premier des rôles il n’empêche que la société civile ne peut pas (et ne doit pas) se substituer à l’Etat… Il est urgent que les structures en charge de ces questions, notamment au gouvernement, se saisissent de ce problème crucial et qui est devant nous, car notre population vieillit… nous avons coutume de dire qu’un pays qui ne prend pas en compte sa jeunesse est un pays qui a peur de l’avenir, que dire alors d’un pays qui oublie ses vieux  ?

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