Chroniques

Un vendredi par moi

© D.R

Premier cours d’amazigh ; en berbère timitar veut dire signe. Exemple : c’est bon timitar qu’un festival comme celui d’Agadir obtienne en si peu de temps un tel éclat.
 
Un autre bon exemple : Timitar des temps, ils étaient plus de cent mille jeunes et moins jeunes, dimanche dernier, dans les rues d’Agadir. L’enjeu en valait le tintamarre, célébrer la clôture de la troisième édition du festival «Timitar, signes et culture» comme il a commencé, sous le timitar de la bonne humeur.

Depuis une sinistre nuit de 1961, la mémoire d’Agadir n’est plus dans ses murs antisismiques mais dans sa culture accueillante qui a fait de Timitar le signe de l’art amazigh ouvert aux musiques du monde.

Le timitar distinctif du Sous-Massa se lit sur le visage de ses hommes. Rugueux et rigoureux, sobrement hospitaliers parce que hospitaliers sans fard. Le pari réussi de Rachid Filali et Aziz Akhannouch qui chapeautent le festival, l’un en tant que wali, l’autre en tant que président de la région, a été de donner à travers une organisation de bonne tenue et de retenue, l’image d’une société bien assurée.
Si bien que pendant six jours, Agadir a été ce Maroc qui chante juste face à ce Maroc qui psalmodie faux.

Et après ? Dans son essai sur « les identités meurtrières» (Grasset), le Libanais Amin Maalouf explique que «les sociétés sûres d’elles-mêmes se reflètent dans une religion confiante, sereine, ouverte ; les sociétés mal assurées se reflètent dans une religion frileuse, bigote, sourcilleuse». Agadir et Essaouira, et bien d’autres festivals, incarnent la première catégorie. Les manifestations de l’islamisme personnifient la seconde. Mais lorsqu’on s’arrête sur la composition des deux tendances, on relève la même extraction sociale. Aucune d’elles ne reniera son Islam. Pourtant, l’une regarde vers l’avenir, l’autre se retourne sur le passé. Le tout est de savoir comment le Maroc qui tire vers le haut puisse contenir les démons du Maroc qui tire vers le bas.

Si j’évoque Amin Maalouf, c’est parce que je le devine meurtri, c’est aussi en timitar de solidarité avec un Liban, tel le phénix, toujours renaissant de ses cendres, mais tel Sisyphe, condamné à l’éternel recommencement.

Les sauterelles qui envahissent le ciel de ses nuits, ravagent son nid, ne visent pas le Liban mais l’exception arabe qu’est la contrée du Cèdre. Le Liban multiconfessionnel et démocratique est le démenti constant apporté à l’Etat hébreu militariste, prédateur et confessionnel jusque dans la nationalité de ses citoyens. Pour comprendre en partie pourquoi ce Cèdre est de ce beau bois, il y a lieu de lire «Origines» du même Amin Maalouf, toujours chez Grasset.

Maudit, un peu comme «Le Rocher de Tanios» de l’incontournable Maalouf, comme Tanios lui-même, héros du roman, poursuivi par le sort.
Dans ce vaste modus vivendi que les pays arabes ont contracté avec Israël, le Liban demeure le tissu à travers lequel «le destin passe et repasse comme l’aiguille du cordonnier à travers le cuir» transpercé par cette succession «d’incursions cruelles».

Dans «l’ultime passage» du «Rocher de Tanios», Amin Maalouf écrit : «Pour avoir la tête d’un criminel, on a tué quatre innocents. Kahtane beyk me dit qu’il ne l’a pas voulu. Mais il a laissé faire. Demain, les gens de Kfayabda viendront, en représailles, égorger d’autres innocents. Les uns et les autres trouveront pour de longues années à venir, d’excellentes raisons pour justifier leurs vengeances successives».

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