Chroniques

Un vendredi par moi

© D.R

Mon voisin d’un voyage, un Suisse, répercute sur moi la question de sa fillette, cinq ans et demi : «Pourquoi écrit-on l’arabe de droite à gauche ?» Bonne question.
A laquelle je n’ai pas de réponse. Tout au plus lui ai-je demandé : «Pourquoi on écrivait le français de gauche à droite ?» Il me répond croire que c’était pour que la main ne passe pas sur l’écriture. Peu convaincu, je lui rappelle que l’arabe est plus proche de la logique mathématique puisqu’en arithmétique, l’addition, par exemple, se fait de droite à gauche.
Dans le silence qui suit notre stérile échange, je pense à cette règle qui, valable aussi pour la multiplication et la soustraction, ne l’est pas pour la division. Je réfléchis aussi à cette foultitude de gestes que nous répétons régulièrement sans savoir pourquoi et songe surtout à cette fâcheuse et innocente tendance des enfants à nous remettre face à nos ignorances.
Et puis quelle importance ? De gauche à droite, de droite à gauche ou en chinois, l’essentiel n’est-il pas de savoir lire et écrire ?

De gauche à droite, c’est un auteur marocain que je viens de découvrir grâce à Khalil Hachimi Idrissi. Mohamed Leftah est un curieux personnage qui s’est transformé en écrivain sur le tard et en philosophe sur le tas. Informaticien, c’est journaliste qu’il est devenu. Marocain, c’est au Caire qu’il vit. Francophone, c’est naturellement en France qu’il publie chez les éditons de La Différence. Avec lui, on apprend vite que dans délire il y a lire, dans l’ire le rire. On réapprend que le plaisir a son revers et que la cruche et son nectar  peuvent être un encrier incomparable.

Parce que sa mère l’a sevré un peu plus tôt que prévu de la blancheur immaculée de son produit lacté, Mohamed Leftah se rattrapera plus tard sur l’encre noire des livres. Son roman «Le bonheur des limbes » en porte de bout en bout les stigmates. Comme un morceau de piano à quatre mains, il a écrit son roman en invitant au chevet des plaisirs menacés le Coran, Baudelaire, Tahar Dajout, Flaubert, Hassan El Basri, Rimbaud, Kafka, Abou Nouass et bien d’autres. Sur le métier, ils sont ses navettes par lesquelles il tisse les fils du passé avec le présent, tout en scrutant les angoisses de l’horizon.
Ses héros, des barmaids au langage impossible. Non pas comme vous pouvez l’imaginer, cru, vulgaire, grossier. Mais rare, savant aux limbes de la philosophie. Warda, rose, et la juive Solange dont le diminutif est une clé de Sol sont son parolier et son instrument qui, au terme de ses saouleries, lui jouent et chantent la FEMME, sa mère, Rabi’a Al’adawya, Shéhérazade, la Kahina et toutes celles que, comme Joe Dassin, vous auriez pu connaître. Et au détour d’un chapitre, Notre Sainte Mère la Vierge, «la seule femme nommément citée par le Coran».

Contre la barbarie, le roman. Comment ne pas le croire ? Il suffit de revisiter tous les autodafés de l’Histoire. «Au bonheur des limbes», une ivresse sans frontières pour tous les Jamal Berraoui du monde.

J’en suis sorti avec la gueule de bois et une "inspiration" : entre voiler et violer, quelle différence ? Et quelle nuance entre une voilée et une violée ? Un O qui change de place, un I qui permute avec sa voyelle de voisine ? Voiler la vérité n’est-ce pas une façon de la violer ? Un viol, n’est-ce pas l’expression d’une énorme insatisfaction ? Et un voile, n’est-il pas la manifestation d’une immense frustration ?

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