Chroniques

Un vendredi par moi

© D.R

«Projet du Royaume pour l’édification d’un modèle de société de juste milieu et de la modération.» Il y a  plus de dix jours que le ministre des Habous et des Affaires islamiques en a exposé les contours devant le Souverain à l’occasion de la conférence inaugurale des causeries religieuses. Dans tout pays, toute élite, toutes catégories confondues, normalement constituée, se serait saisie du débat : Pourquoi? Comment ? Oui ! Non ! Non, mais… Oui, mais.
Non, silence total ou presque. Je comprends que les islamistes de tous bords, qui ont leur projet, creusent leur sillon, fassent le mort et poursuivent leur œuvre de corrosion et d’érosion dans ce silence assourdissant qui est le leur. Mais les autres ?

Pourtant, la question n’est pas de la moindre importance. Voilà quelques années déjà que le champ religieux national a vu l’intrusion d’éléments qui s’immiscent  dans le commandement des croyants. Bruyamment, ils disent le "bien" et le "mal", montrent le "chemin", haussent le ton. La plus bruyante de leurs intrusions nous a éclaté à la figure un certain 16 mai. Leur présence de plus en plus visible a perturbé les règles du jeu, jeté la confusion dans les esprits. Et pour la première fois depuis, l’Etat décline de manière concise et précise la conception qu’il se fait de l’Islam au Maroc. Peut-on, a-t-on le droit, de faire comme si de rien n’était.

Le porte-parole de l’Etat pour l’occasion, Ahmed Taoufiq, part du postulat que l’Homme n’est pas venu au monde pour être malheureux avec le Coran. Construit sur le principe de la liberté qui en a fait le plus évolué des créatures, il été conçu de manière à ce qu’il puisse intervenir sur son programme initial. A partir de là, le ministre revendique pour l’Homme le devoir de lire le Coran et la Tradition avec le regard d’aujourd’hui, précisément pour donner du sens à l’intemporalité du message.

Il ne s’agit ni de Abdeslam Yassine – "islamiser la modernité", ni de son antipode – "moderniser l’Islam", mais de la prospection des profondeurs de la parole révélée en intégrant les accumulations de l’Histoire universelle. Qui n’est en fait qu’une succession de luttes entre ses deux tendances lourdes : les forces de la dépravation et le contrepoids du redressement, les puissances de la domination et les volontés du rééquilibrage. L’évolution a eu pour moteur l’interaction, la confrontation, souvent aussi l’affrontement entre des idées religieuses idéalistes, des valeurs philosophiques, des intérêts de nations et des mouvements revendicatifs mettant en prise gouvernés et gouvernants. Une maturation plusieurs fois millénaire qui a débouché sur ce régime qu’on appelle la démocratie.

Ce régime n’est pas la fin de l’Histoire chère à Francis Fukuyama. Il n’est pas non plus,  fâcheuse tendance européenne notamment française, cette alternative conflictuelle au métaphysique. Et l’Islam, sa partie marocaine, ne peuvent raisonnablement exister en dehors de sa mouvance. Tout juste faudrait-il, comme nous y invite Ahmed Taoufiq, ne pas considérer l’Homme comme le simple produit de l’histoire et de la culture, mais prendre en compte sa nature duale réceptive à ce que la religion a de transcendant. Ce qui revient à garder aux valeurs de l’Islam la possibilité d’intervenir dans l’enrichissement du régime de la démocratie dont il faudrait au préalable ratifier toutes les dispositions et exigences. La modération islamique qui s’exprime ainsi n’est, donc, pas une œuvre neutre, une ligne médiane, mais un engagement dans un modèle qui ferait le bonheur des siens et dont les vertus devraient  être reconnues par l’autre.

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