Chroniques

Un vendredi par moi

© D.R

Driss Basri. L’ancien ministre de l’Intérieur vient d’accorder un entretien à un journal algérien.  Du violon qui méritait  le colportage et les crieurs publics des frères de l’Est n’ont pas boudé leur plaisir. DB va parler, DB a parlé. Annonce auparavant et commentaires pour suivre. L’Algérie pouvait ce soir-là se livrer aux bras de Morphée en baignant dans le bonheur.

DB tel qu’en lui-même. Un temps, il dit que feu Hassan II lui aurait confié son intention de réformer la Constitution en 2002 en vue d’instaurer la monarchie parlementaire, un autre, il refuse de révéler les idées du défunt Roi pour régler le contentieux sahraoui avec Alger. Car il ne conviendrait pas de «divulguer le secret d’un roi décédé.» L’ex-ministre a le sens du respect de la confidence sélectif. Comme sa mémoire.

L’essentiel de l’interview ressemble au brouhaha habituel. La pensée ne porte guère loin et le résonance des tambours fait office de réflexion. Vide et creuse. Pléonasme ? Il n’y a pas de mots de trop pour qualifier le citron givré qui lui sert de cerveau.  Sinon, comment pouvait-il espérer nous faire croire  que Hassan II était un homme à basculer dans l’imprévisible monarchie parlementaire  dans des délais aussi courts, lui qui a mis dix ans à mûrir l’alternance consensuelle? Et à moins que les mots ne veulent dire leur contraire dans sa tête, ce qui s’est déjà vu, comment peut-il parler de solidarité à toute épreuve de l’Algérie à l’égard du Maroc ? Le ridicule ne tue pas. Mais laisse des traces. La trahison aussi.

Saddam Hussein. Souvent, je me suis interrogé sur son obstination à tenir tête  aux Etats-Unis. Pour dictateur qu’il fut, l’homme n’en était pas moins doué d’un sens politique certain. Que n’a-t-il pas retenu la leçon de la première guerre de Bush père ? Pourquoi, juste après, n’a-t-il pas essayé d’intégrer la normalité et sauver l’essentiel : l’unité de son pays et la paix pour son peuple ? Il m’arrivait de conclure que l’homme avait perdu tout contact avec la réalité. De penser qu’en définitive, l’Amérique ne pouvait rêver de meilleur agent pour ses desseins. Après tout, un Israélien avait bien réussi à infiltrer son quasi-clone syrien au point d’en devenir ministre. De croire qu’il en était au déluge après lui. La manière dont il s’était «laissé prendre» m’avait quelque peu conforté dans cette idée.

Son procès, sa revendication d’être exécuté dans la dignité du prisonnier de guerre, sa façon d’affronter ses bourreaux, la mise en scène de l’exécution programmée pour attiser les haines religieuses du pays ouvrent une autre perspective. Saddam Hussein, lucide, avait acquis la certitude que son régime et l’unité territoriale de l’Irak  appartenaient désormais à un ordre mondial révolu ? Quoi qu’il aurait fait, peine perdu. Ne dit-on pas que le prétexte ordinaire de ceux qui font le malheur des autres est qu’ils assurent leur vouloir du bien. Le procédé est ancien et tous les colonialismes y ont recouru pour justifier les occupations. Dans «Esquisses historiques»*, Abdallah Laroui le décrit clairement pour la conquête française du Maroc déjà expérimenté en Algérie : «Avant d’envahir le territoire convoité, la puissance coloniale prend bien soin d’obtenir l’assentiment de ses concurrents, soit par une convention bilatérale, soit en marge d’une conférence internationale […] On élimine les objections des puissances et du [chef d’Etat] du territoire convoité [….] On obtient par une série de pressions [des concessions…], on exige une remise en ordre que la présence même [du potentiel occupant] rend impossible. On peut alors passer à la véritable conquête.»

*Ed Centre culturel arabe

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