Chroniques

Un vendredi par moi

Le contraire aurait étonné : Les principales forces politiques du pays ont réagi au lancement du Mouvement de tous les Démocrates (MTD) avec la fébrilité du chat échaudé. Si l’Istiqlal de Abbas El Fassi a observé un silence politiquement opportun, le tir de barrage des autres a directement porté sur Fouad Ali El Himma, pivot du mouvement. C’est un proche du Roi ! Un crime ? Tant s’en-faut, mais l’argument sous-tendant la remarque est vicieux. Cette proximité avec la clé de voûte du pouvoir fait craindre l’eau froide. Qu’a dit justement Fouad Ali El Himma, un soir de Ramadan, au débat d’Al Massa’e ? Il est urgent de cesser de lire le présent avec les lunettes du passé ! D’aucuns ne voient pas les choses ainsi, mais ils seraient mieux avisés d’accorder le préjugé favorable, d’autant plus qu’aucun acte «politiquement délictueux» n’a été consommé. Autrement on est dans le procès d’intention. L’ancien premier secrétaire de l’USFP, qui pressentait le mouvement, a eu dans ce sens une attitude pertinente. S’exprimant le 12 janvier devant le conseil national de son parti, il a invité, instruit par son expérience, ses camarades à «éviter une lutte donquichottienne contre les libéraux modernistes». Car il y a mieux à faire par et pour chacun des partis à la lumière des résultats des législatives de 2007 : se reconstruire, il y a urgence.

Derrière les appréhensions se profile tout naturellement, 1963, le FDIC d’Ahmed Reda Guedira, d’Ahardane et d’autres Khattib. Se profile aussi, 1977, le RNI d’Ahmed Osmane. Se profile encore, 1983, l’UC de Maâti Bouabid. Mais entre les pratiques de l’époque et celles d’aujourd’hui, deux différences de taille s’imposent. La première se rapporte à l’acte de naissance, la seconde à son contexte politique. Même si le RNI avait attendu l’entrée parlementaire pour se constituer en rassemblement, sa formation, de par la candidature dite indépendante et la couleur blanche commune à ses candidats, fut bel et bien un montage préélectoral. Plus tard, l’UC, à l’image de son ancêtre le FDIC, a consisté en un assemblage de dernière minute lancé à l’assaut du Parlement. La méthode, dans son ensemble, se résumait à une préfabrication des majorités. Pour prendre forme, le MTD de Fouad Ali El himma a pris le parcours inverse en attendant le déroulement du scrutin et la formation du gouvernement. La démarche exprime bien ce qu’elle entend signifier. Si comme on le lui prête, le MTD tend à se transformer en parti, il semble inscrire sa mue dans le temps d’un mandat législatif pour prendre loyalement racine dans la légitimité populaire en s’exposant, sur une durée de cinq ans en principe, à l’interpellation et au débat. En la restituant dans son contexte politique, différent du passé, l’opération MTD améliore son originalité. L’apaisement des rapports entre le pouvoir, contesté pratiquement jusqu’à l’adoption de la constitution de 1996, et les partis issus du mouvement national, qui pouvait alors se targuer d’une influence certaine, a profondément modifié la donne. Consolidé depuis 2002 par l’éloignement de plus en plus du Maroc des rivages de la manipulation des urnes, le contexte actuel se prête mieux à la compétition régulière. L’équation qui en découle est toute simple. Une inconnue de 70% des électeurs qui ne s’est pas reconnue dans les programmes en présence, est à redécouvrir. C’est dire qu’elle laisse du champ à qui veut. Si l’initiative du MTD peut en prendre une part, contribuer par la même occasion à la rénovation de la vie et de l’action politiques, et si, chemin faisant, elle amène les partis à se revisiter, ce ne sera que du bonheur.

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