Chroniques

Un vendredi par moi


Un millier de chômeurs de moins dans nos rues. Plutôt réjouissante l’information, non ? Tandis que je devrais planer de bonheur avec les oiseaux, c’est, au contraire, du plomb que je ressens dans les ailes, un relent d’amertume au fond de la gorge. Mon état est d’autant plus paradoxal que ce millier de chômeurs est composé de porteurs de diplômes supérieurs qui ont usé leur pantalon à force de sit-in devant le Parlement. C’est donc ainsi un millier de manifestants qui bloquaient régulièrement l’avenue Mohammed V de la capitale qu’on retire de la circulation. Bien. Mais un autre millier viendra les remplacer. C’est qu’il est têtu l’hydre. Ce que m’inspire ces docteurs jusque-là au chômage dont l’ambition se limite à servir dans l’administration publique, je le dis sans ambages dans l’article consacré à la crise de la réforme de l’enseignement (voir pages 4 et 5). Ici je souhaite juste exprimer une crainte. Le gouvernement a apporté un sédatif à un casse-tête qui dure depuis des années et nul ne serait fondé de le lui reprocher. Même si l’on sait, depuis que le Maroc a été soumis au plan d’ajustement structurel au début des années quatre vingt, que le secteur public, qui absorbe en fonctionnement l’essentiel de nos moyens, ne pouvait supporter plus de recrutements. C’était si clair qu’on a aidé à son dégraissement en primant les départs volontaires.

Mais il y a comme ça des cas de force majeure qui contraignent souvent les gouvernements à agir contre le bon sens et contre leur propre bonne volonté. Autant nous réjouir de la bonne nouvelle. Ces diplômés ex-chômeurs vont pouvoir enfin louer un appartement, probablement se marier, faire beaucoup d’enfants. Ils auront devant eux tout le temps de se rendre compte qu’avec un salaire de la fonction publique on ne va guère loin. Ils commenceront alors un autre cycle de revendications avec ses grèves, ses sit-in et ses manifestations. Surtout que celles-ci leur sont devenues une seconde nature qui comme le naturel revient toujours au galop. Mais à chaque jour suffit sa peine. Félicitations donc à ces heureux élus qui ont élu l’administration comme destination de prédilection.

Seulement pourquoi les avoir versés dans l’enseignement ? Il va sans dire que plus que tout autre secteur, l’Education nationale a besoin de cadres neufs pour la reprendre en main, les élèves d’enseignants dévoués et bien formés pour les qualifier à la vie. Pour ce, est-ce  nécessairement le profil des diplômés-chômeurs qui est requis ? Ce n’est pas tant ceux-ci en tant que personnes qui sont remises en cause. Mais victimes d’un système éducatif qui a brillé par l’absence de son adéquation avec l’emploi, ne risquent-ils pas eux-mêmes de faire de leurs élèves de nouvelles victimes qui viendraient grossir les rangs de la disqualification ? L’enseignement est à la quête de sa réforme introuvable.  Plus que jamais il a besoin de la qualité à même de le mettre au niveau de son siècle. Mais la solution trouvée aux diplômés-chômeurs est-ce le meilleur remède aux maux de l’enseignement. Comme souvent, le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. En cherchant à bien faire, nous avons mal fait, mais le pire n’est pas inéluctable. Pour éviter de reproduire les erreurs du passé à l’origine de la production de la sous-formation, il est impératif de mettre les moyens et prendre le temps nécessaire au recyclage pointu des heureuses recrues. Et, si possible, leur apprendre que l’enseignement est une vocation et non pas un pis- aller.

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