Chroniques

Un vendredi par moi

Le Tibet a subitement repris les devants de la scène. Tout ce que l’Occident compte de journalistes, de leaders d’opinion, d’ONG… n’ont plus d’yeux que pour cette province chinoise de plus de 1,2 million de kilomètres carrés. Ses religieux semblent partagés entre la revendication de l’autonomie et celle, plus radicale, de l’indépendance. Le mouvement de contestation menée par les moines bouddhistes que connaît le Tibet a resurgi sans préavis quelques jours avant l’allumage à Olympie, en Grèce, de la flamme olympique. Pur hasard sans doute. Mais hasard curieux tout de même. D’ici, le Tibet est aussi loin que son mont Everest est haut. Ils y sont quelque 5,5 millions de Tibétains dans une Chine qui compte 1,3 milliard de personnes. Ils ont incontestablement des spécificités qui les distinguent du reste du « continent » chinois. Disons à peu près de la même manière que les particularités des Corses et des Catalans les différencient respectivement du reste de la France et de l’Espagne.

Au-delà de cet aspect, tout observateur qui se trouve à une telle distance du cœur des événements et de leurs acteurs devrait s’abstenir de commenter sur le fond la revendication tibétaine dont le meneur, le dalaï-lama, a inventé une nouvelle forme de génocide, le génocide culturel. Ce qui veut dire qu’au moins nous sommes en présence, au plan physique, d’une répression chinoise  qui se pratique avec «retenue». Malgré le principe de prudence sur le fond politique du sujet, l’appréhension de la question tibétaine nécessite quelques précisions : depuis le douzième siècle, le Tibet a entretenu avec les dynasties chinoises des relations  très étroites qui vont de la dépendance aux liens privilégiés en passant par la vassalité. A l’exception d’une brève occupation britannique, le Tibet est demeuré très lié à Pékin en dépit d’une proclamation par le dalaï-lama d’une éphémère indépendance en 1913. La communauté internationale n’y accorda d’ailleurs aucun intérêt et c’est, en toute logique, dans ses frontières intégrant le Tibet que la Chine Populaire est admise à l’ONU et rétablie dans ses droits d’unique représentant du peuple chinois en 1971. C’est aussi dans ses frontières internationalement reconnues qu’elle devient le cinquième membre du Conseil de sécurité au détriment de Taiwan.

Qui veut tuer son pékinois, l’accuse de rage. Un autre adage paraphrasé : selon que l’on est ami ou ennemi, les médias occidentaux vous déclareront blanc ou noir. La preuve par le Tibet : Lors de la Coupe du monde de football en 2002, les Coréens ont brillé par une préparation minutieuse des spectateurs à leur rôle allant jusqu’à les partager en deux clans, chacun devant encourager l’une des deux équipes en compétition. L’Occident y a vu un modèle d’organisation et de discipline. La Chine utilise le même procédé, on ne veut y voir qu’embrigadement et conditionnement. Ils ont beau avoir tous les yeux bridés, la différence est nette.  La Corée est un allié, la Chine un rival et aussi un sérieux candidat à la puissance. Depuis son réveil, sa vitalité constitue une menace pour le monde unipolaire légué par l’éclatement de l’URSS. Un Etat officiellement communiste qui fait mieux que le capitalisme sur son terrain, c’est tout bonnement le monde à l’envers. Alors si le Tibet bouddhiste peut être pour la Chine ce que la Pologne catholique a été dans l’implosion du bloc soviétique, ce serait une aubaine pour la civilisation occidentale. Une vue de l’esprit, certes, mais qui permet au moins de troubler la fête. Contrairement aux disciplines olympiques, le fair-play n’est pas une règle éthique qui commande le marché.          

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