Chroniques

Un vendredi par moi

J’ai pu enfin voir le film de Noureddine Lakhmari. CasaNegra. Et alors ? La vérité, toute la vérité, rien que la vérité, je le jure ! Le réalisateur n’en était pas dupe, lui, qui sur un site de sa ville natale, Safi, déclarait que  «le seul problème, quand on travaille sur le Casablanca de la rue, c’est la langue. Car si le spectateur accepte une certaine grossièreté en français et en anglais, il n’y est pas habitué en arabe. Or, mon sujet ne peut se traiter qu’avec le langage de la rue.» Il appréhendait la réaction d’un certain public et il n’avait pas tort. Mais il a eu raison de défier ses peurs. CasaNegra, par opposition à Casablanca, est le récit d’une cohabitation dans un cocktail molotovien du bien et du mal, de la misère et de la richesse, bien acquise ou mal acquise peu importe, de la joie et de la tristesse qui mêlent savamment désir noir de mourir et soif inassouvie  de vivre. C’est de l’art figuratif en mouvement et il suffit d’oublier un jour d’être boulot, mosquée, dodo pour comprendre ce réalisme cru, un instantané de la vie de tous les jours de ces millions qui vivent au-dessous du seuil de la pauvreté et des autres qui dans leur sillage essayent de s’en sortir par la combine et la ruse, parfois par le viol et la violence. Et tant mieux si Noureddine Lakhmari a perturbé le confort moral de  l’h-éros tartuffien, faux dévot qui traite la réalité comme la femme, jetant sur l’une un voile, tendant à l’autre un fichu et un mouchoir en lui disant : «cachez-moi [ces cheveux] et ces seins que je ne saurais voir.»

La Chine veut récupérer ses statues en bronze en forme de têtes de lapin et de rat datant de la dynastie des Qing (1644-1911), volées en 1860 lors du sac d’un palais de Pékin par les troupes franco-britanniques. Elles font partie de tout un jeu de 12 têtes d’animaux représentant tous les signes du zodiaque de l’ornement d’un des palais impériaux de la monumentale Chine. Pierre Bergé et son compagnon, le grand couturier français, Yves Saint-Laurent, décédé en 2008, les avaient acquises et le survivant du couple entendait en tirer un bon prix. Tout cela peut paraître normal et légitime si les lois internationales ne réglementaient la détention et la commercialisation des objets d’art provenant de pillage pendant les guerres. Galamment, la France qui tient à son commerce extérieur avec la Chine devrait les récupérer d’une manière ou d’une autre et en faire un présent d’amitié à Pékin. Mais elle laisse faire Pierre Bergé. L’amant du grand couturier trouve une  solution cousue de fil blanc : il suffit que Pékin respecte à la lettre les droits de l’Homme et accorde la liberté au Tibet pour qu’il lui rende gracieusement les statues. Du machiavélisme effronté fait générosité.  En même temps qu’il place la barre à un seuil inatteignable, Pierre Bergé met le couteau à la gorge de la diplomatie française qui ne peut plus intervenir sans risquer, comme lors des Jeux Olympiques, d’être accusée de veulerie face à la Chine.  Il n’en demeure pas qu’aux yeux de la loi nous sommes en présence de recel d’objet volé. Selon le Petit Robert qui cite Montesquieu,  le receleur est encore «plus odieux que le voleur».

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