Chroniques

Un vendredi par moi

Il est possible de comprendre que las d’attendre l’aboutissement des négociations sur l’autonomie au Sahara, Sa Majesté Mohammed VI a décidé de passer à l’acte pour réaliser un projet de réorganisation territoriale fondé sur une large régionalisation qui lui tient particulièrement à cœur. Sans doute le projet royal tient-il compte de la particularité du dossier du Sahara sur le plan international, mais aussi et surtout de la spécificité sahraouie dans le maillage régional qui supporte l’Etat marocain. Aussi le Roi a-t-il prévu une régionalisation asymétrique – avancée pour le Sahara, plus atténuée ailleurs, sans hypothéquer la perspective autonomiste au Sud. Mais la tentation de certains observateurs de réduire le projet à l’expression d’une exaspération face à l’inertie algérienne serait une monumentale erreur. Bien sûr, les personnalités qui composent la commission consultative ad hoc auront à parfaire la réflexion sur ce que le Souverain a désigné comme une réforme institutionnelle profonde. Ils ont six mois pour affiner le sujet. Ce ne sera ni simple ni facile. Il n’en reste pas moins que le lancement dimanche dernier de la réforme n’est ni une manœuvre diplomatique ni le début de quelque chose provenant du néant, mais bel et bien l’entrée en dernière ligne droite d’une vision qui a atteint sa maturation. Et ce n’est certainement pas un hasard si nombre des personnalités composant la commission consultative ait déjà travaillé sur le projet d’autonomie au Sahara. Cela fait déjà un temps qu’on en parle et cela fait également un moment qu’on évoque un Maroc formé de six grandes régions, une sorte de lands à la marocaine qui devraient respecter les spécificités économiques et surtout sociales et culturelles du pays, tout en cherchant par là même à les faire évoluer. Le nouveau concept de l’autorité, les travaux de l’IER, la mise en place de l’IRCAM, le rapport sur le développement humain, la libéralisation de l’audiovisuel, entres autres, ont été autant de balises sur cette voie. C’est une conception, indépendamment de la question du Sahara, qui tient compte de la montée de la revendication, osons le terme, régionale. L’idée que se fait le pouvoir de l’Etat inscrit la diversité culturelle et linguistique du pays ainsi que ses particularités régionales dans la perspective de leur reconnaissance afin de mieux les intégrer dans le tissu national. Lorsque le Souverain évoque le caractère plusieurs fois séculaire de la monarchie, il fait probablement aussi référence à une réalité très marocaine qu’Eugène Aubin ne manqua pas de relever au début du 19ème siècle en constatant que le Royaume ressemblait plutôt à une «fédération de tribus». Estompée par le passage du protectorat puis par la construction de l’Etat moderne, cette profondeur historique bien intériorisée par les Marocains, qui serait handicapante si elle reste figée, est à même de servir la réforme, mais dans des formes résolument modernes et, plutôt que fédératives, fortement fédératrices.

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