Chroniques

Un vendredi par moi

Voilà qu’au gré d’une lecture mon ignorance me rattrape. Un homme, un Palestinien, déclare qu’un «Etat palestinien est devenu impossible». Qui est-il ? Que fait-il ? D’où vient-il ? Certainement pas de chez Hamas. Son nom : Sari Nusseibeh. Peut-être qu’à vous ce nom dit quelque chose, à moi rien. Heureusement qu’Internet peut s’avérer, quand on en fait un autre usage que celui de Bernard-Henri Lévy, d’une utilité extraordinaire. Sari Nusseibeh est né à Damas en 1949, mais c’est un Palestinien de souche et semble même appartenir à l’aristocratie de Palestine. Il fait des études à Oxford et obtient un doctorat en philosophie à Harvard. Il enseigne à l’Université de Bir Zeit, avant sa fermeture dans la foulée de l’Intifada, et à l’Université hébraïque de Jérusalem. C’est un «modéré» à ne pas en douter, mais le moment venu il met de sa pâte dans la préparation et la gestion de l’Intifada. C’est l’un des rédacteurs de la déclaration interne d’autonomie palestinienne. Un précurseur de la négociation qui prône en solo le renoncement au droit au retour des réfugiés. Mais sa pondération ne l’épargne pas des foudres des Israéliens pour lesquels négociations signifient concessions qu’ils n’ont aucune envie de faire ; ni hier ni aujourd’hui ni demain. Ce qui ne l’empêche pas de devenir l’auteur d’un plan de paix que cosignera Ami Ayalon, ancien chef des services de sécurité israélien. Voilà pour le personnage. Un personnage ! Pour le reste c’est un peu plus compliqué. Comme l’ensemble des Palestiniens, Sari Nusseibeh a tout essayé. Il n’espère plus rien, n’attend rien. Ce qu’il pense ? «L’ingéniosité coloniale» d’Israël a tout ruiné. La colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem a rendu impossible la solution de deux Etats. Si bien que Tel -Aviv  n’a plus que deux choix : le génocide des Palestiniens ou leur assimilation. On pourrait croire qu’on revient au fameux Etat binational des débuts. Mais Sari Nusseibeh, très malin ou extrêmement désespéré, demande à Israël «d’annexer les Palestiniens en les acceptant comme des citoyens de troisième catégorie.» Travailler, boire et manger, c’est tout ce qu’il souhaite. «Nous ne serions pas des citoyens, seulement des sujets», affirme-t-il. Croyons Nusseibeh un instant extrêmement désespéré, sa proposition ne serait que la symptomatique d’un désarroi mental. Mais supposons le très malin et imaginons les Palestiniens en chœur répéter la même chose : «Nous voulons être des Israéliens de troisième zone !» Israël accepte mais alors il devrait se proclamer Etat raciste ressuscitant l’apartheid des jours les plus sombres de l’Afrique du Sud. Impensable. Son alternative serait donc de faire des Palestiniens des citoyens à part entière. Inconcevable. Car rapidement l’avantage démographique convertira la course aux armements en course aux enfants. Sans avoir l’air d’y toucher, Nusseibeh transforme le conflit israélo-palestinien déjà complexe et compliqué en casse-tête chinois. Une partie d’échec que je jouerais bien si j’avais été palestinien.

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