Chroniques

Un vendredi par moi

Fermer les bars. Ne pas commercer avec les espaces qui vendent de l’alcool. N’autoriser aucun casino. Dissoudre La Marocaine des Jeux. En finir avec le tourisme. Ne pas faire de la musique. Interdire les festivals. Ne plus produire de films. Ne pas faire du théâtre, baisser les rideaux et mettre le Maroc sous scellés, seul plan de salut pour tripler le PIB national. Les interdits en guise de programme politique et économique. En cas de péché, l’homme étant imparfait, éviter des pièces comme le hammam où l’on peut mettre en scène des femmes vêtues d’un voile ténu laissant deviner leur tendre peau mouillée. Pourtant, le réalisateur de la troupe de «Lakhbar f’lmasrah» s’y est essayé. Il n’en fallait pas plus pour que nos islamistes, tartuffiens jusqu’au bout – jusqu’au bout de quoi au juste ?- crient au sein qu’ils ne sauraient voir, eux qui t’ordonnent déjà de détourner les yeux dès que tu croises une femme et de ne pas essayer de loucher vers elle une deuxième fois. Ce second regard volé peut mener à l’enfer de la chair cramée. Il faut les comprendre, face au sexe faible, ils sont encore plus faibles. Le hammam, bain maure vivant, est un espace de dévoilement par excellence. On comprend dès lors pourquoi son traitement par une pièce de théâtre hérisse tant les partisans du voile. Cependant, c’est dans ce lieu embué que la plupart d’entre nous, petits enfants encore, ont appris, en compagnie des mères, ce qui les différencie de l’autre sexe. C’est dans son humidité aussi, le jour où la mère dit à l’enfant qu’il est désormais trop grand pour l’accompagner, qu’il saisit qu’il n’est plus un enfant. Le hammam, endroit clair obscur de purification, miroir de notre société dans ce qu’elle a de pudique et d’impudique en même temps. Il a excité les imaginations, peuplé les histoires, habité les contes, nourri les anecdotes constituant notre fond de toile culturel où tous nos heurs et malheurs se sont racontés au point qu’il en est devenu le symbole de nos fantasmes les plus refoulés. Un homme de théâtre peut-il en rendre compte sur scène sans en évoquer la nudité qui lui est propre ? Assurément non. Mais n’allons pas parler création et arts avec le rigorisme. Néanmoins, nous sommes là en présence d’un choix de société majeur. Une société de l’uniformité et une autre de la diversité. C’est un test qui met à nu toutes les professions de foi sur la démocratie. Les islamistes, ceux qui se réclament du centrisme, veulent bien se convertir à la démocratie et à ses règles. Mais entendent-ils la démocratie dans son acception universelle, ou la recouvrent-ils d’autres sens ? La démocratie c’est dans son appréhension basique l’acceptation de l’autre avec ses vertus et ses vices dans la mesure où ces derniers ne remettent pas en cause les équilibres essentiels de la société. Aux yeux des islamistes elle est exclusivement citée vertueuse, une société de castration, sans marges et sans exutoire dans les faits, d’autant plus impossible qu’impensable. Autrement Dieu n’aurait pas eu besoin de créer l’enfer ni d’en menacer les impies que Lui seul en Islam, quels que soient leurs péchés, est capable de désigner.

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