Culture

A bâtons rompus avec le musicien Belkacem Saidi : L’harmonie de la ghaita et du saxophone

© D.R

ALM : De la ghaita qui fait transcender tout le corps au saxophone qui donne la voix aux silences, le passage n’est pas aisé, pourtant, vous avez réussi le pari de synchroniser à la perfection la sensualité musicale réputée sinueuse des deux instruments. Quel est votre secret?
Belkacem Saidi : Il faut d’abord signaler que le hautbois et le saxophone utilisent la même technique d’émission du son avec des couleurs sonores différentes. Ce sont des instruments à vents qui nécessitent  un effort physique et une concentration pour permettre à l’instrumentiste de jouer sans couper le son par la respiration.  Une fois cette technique de base maîtrisée, les exercices d’enchaînement exécutés quotidiennement, la maniabilité de ces deux instruments devient de plus en plus facile. Il  faut aussi assimiler la technique corporelle qui va avec. Ce sont deux   instruments qui fonctionnent en harmonie avec le mouvement du corps. L’ensemble de ces techniques de maniement doit se peaufiner par des études académiques pour donner un sens aux qualités innées ou apprises.

Vous êtes connu comme musicien qui a appris en forgeant l’outil. Est-ce suffisant pour prétendre à la notoriété nécessaire pour percer dans ce domaine ?
C’est grâce à mon grand père Ba Hammouda le «Ghiate», célèbre musicien du hautbois au niveau de l’Oriental et de l’Oranais. Il était l’un des maîtres de cet instrument à vent et connu comme référence de la musique locale. Sa célébrité ainsi que sa maîtrise de l’instrument m’ont fasciné et j’ai dû caresser El ghaita  dès mon jeune âge. C’est avec lui que j’ai assimilé l’adage des chioukh locaux qui répétaient que  l’art sans maître ne vous procure pas la virtuosité convoitée. La «Sanaa» pour moi est  née de ce contact direct avec la réalité quotidienne d’un Ghiate attitré. Il fallait d’abord s’initier à la Nouba musicale avec son  enchaînement de morceaux propres aux Aissaoua et autres confréries. La succession de la rythmique  du hautbois facilite le passage du Goubbahi, au Errassi  puis  au Issawi avec leurs différentes  rythmiques exécutées sur des modes hétérogènes : le Rebbani (4/4) l’Amjared (10/8) le Gnaoui (6/8) et le Hamdouchi (5/4). Le travail assidu sur ces mélodies et la bonne écoute des musiciens m’a permis d’être adopté par mes pairs. Et lorsque Ba Hammouda est décédé en 1989, tous les chioukh m’ont demandé de perpétrer les secrets du patriarche alors que je venais à peine de boucler mes seize printemps.

Maintenant vous êtes plus   connu comme saxophoniste. Comment s’est effectuée cette  mutation ; est-ce par souci de suivre la vogue de rai ou par conviction personnelle ?
Il ne faut pas oublier que j’étais le seul jeune qui accompagnait les chioukh, d’où la nécessité de se faire distinguer. Il fallait que j’intéresse aussi les jeunes de mon âge , mes amis de classe et du quartier. C’était plus par égocentrisme que par altruisme qu’il fallait choisir un autre instrument à vent pour conquérir la reconnaissance des jeunes. C’étaient les débuts de la vogue Rai. Et tout le monde sait l’importance d’un saxophoniste pour ce genre musical. Ceci dit, l’élément déterminant de mon choix  résidait dans ma fascination pour le professeur Chrif de l’orchestre national. A chaque fois qu’il passait à la télévision l’envie de l’imiter était grande. Il était devenu mon second professeur sans le savoir.
Il faut s’assurer une endurance pour passer  des techniques classiques aux plus composites improvisées lors du passage en solo ou en groupe. Ainsi il est difficile pour un débutant de réaliser des   suraiguës qui  sont  considérées comme les notes les plus hautes que l’on réalise avec un alto. Ce sont des techniques qui s’acquièrent par les études au conservatoire. C’est ce que j’ai bien assimilé après plus de vingt ans de pratique.

Et les autres virtuoses de la ville d’Oujda
Si El ghaita a ses maîtres, le saxophone doit sa réputation aux  Darabite, Tiyabi et Hicham Bouchtat  qui ont fait vibrer des milliers de fans lors des différents concerts qu’a connu l’Oriental. Ces maîtres qui nous ont inculqué le doigté qui consiste à changer de doigt sur la même touche sans la quitter. Il y a aussi le recours à des effets rythmiques à l’instar  des morceaux ternaires.  On peut aussi recourir à des vibratos pour garder la cadence surtout lorsqu’il s’agit de réaliser des morceaux mélancoliques avec leurs larges modulations de notes. Il y’a aussi ce qu’on nomme communément la polyphonie et qui se présente sous forme d’un ensemble de notes superposées mais jouées en même temps.   

 

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