Culture

A bâtons rompus : Darga : «notre devise, la résistance»

© D.R

ALM : Que signifie votre label «Darga» ?
Adil Hanine : Pour expliquer ce terme, il faudrait qu’on parle du contexte dans lequel le groupe a vu le jour. Le groupe s’appelait au départ Cactus, mais des gens de notre entourage nous ont conseillé de choisir un nom qui nous ressemble davantage, une appellation qui soit plus marocaine.
En fait, nos proches nous ont expliqué que Cactus faisait trop occidental et que ça n’avait rien à voir avec notre culture. C’est ainsi que nous avons essayé de trouver son équivalent en dialecte marocain. Nous avons donc par pur hasard découvert le mot «Darga». Symbole de résistance et faisant fi de tous les obstacles qui se présentent devant elle, cette plante cadrait à la perfection avec notre idée de l’art et de la musique en particulier. Le déclic s’est opéré de lui même. Notre groupe s’était fixé justement comme objectif de s’accrocher à notre désir, celui de faire de la musique avec amour et rigueur.

Votre groupe se distingue par le nombre sans cesse croissant de ses membres. Actuellement, vous êtes dix musiciens. N’est-il pas difficile pour vous de gérer ce qui ressemble à un véritable orchestre ?
C’est vrai que nous sommes assez nombreux. Cela n’a pas toujours été le cas. Au départ nous étions cinq. Mais  au fur et à mesure, au hasard des rencontres et des expériences, le groupe a commencé à s’élargir.  Et nous ne comptons pas nous arrêter en si bon chemin. Vous savez, chaque membre ajoute non seulement sa maîtrise de tel ou tel instrument, mais aussi sa sensibilité, sa manière de voir et sa touche personnelle. Chose qui ne peut que nous enrichir, en tant qu’individus, mais aussi en tant que groupe qui porte l’étendard de la diversité et des mélanges.
Et tant que ça se passe bien entre nous, je ne vois pas pourquoi on devrait s’inquiéter. En fait nous discutons de tout ensemble. Chacun prend le temps d’écouter l’autre et de le comprendre. En plus de cela, à chaque fois que nous devons prendre une décision, nous faisons un vote, pour ne pas qu’il y ait de mésentente.
Nous sommes là pour faire de la musique et évoluer artistiquement ensemble. C’est notre choix et nous en sommes satisfaits.

Votre musique est une sorte de mélange entre la musique gnaouie et le reggae. Quel regard portez-vous sur la fusion et son évolution au Maroc ?
En fait, en tant que groupe de jeunes nous avions voulu produire une musique qui viendrait rompre avec le climat artistique habituel.
Nous voulions créer une nouvelle musique, moderne mais qui est puisée dans le registre traditionnel.
C’est ainsi que nous nous sommes penchés sur notre patrimoine marocain. La musique gnaouie en fait partie.
C’est tout sim-ple, nos pensons à toute proportion gardée que le citoyen marocain en a quand même marre de regarder chaque jour à la télévision les mêmes musiciens de la vieille génération.
En prenons notre cas comme exemple, nous en avons ras-le bol de voir toujours les mêmes visages qui apparaissent tout le temps sur nos chaînes de télévision. Ce sont toujours les mêmes aussi qu’on invite sur le plateau. C’est vrai que c’est dû au fait qu’ils possèdent une certaine notoriété de part leur ancienneté et leur compétence, mais il y a d’autres noms qui mériteraient d’avoir eux aussi leur place.
Pour ce qui est de notre musique, c’est vrai que cela s’inscrit dans un registre de plus en plus à la mode. Celui de la fusion. Mais, si ce style plaît c’est que les jeunes s’y identifient quelque part. Mais dans notre groupe nous préférons le terme musique alternative plutôt que celui de la fusion.
Le Maroc évolue et nous assistons toujours à la naissance de nouveaux groupes. Mais ceci dit, nous respectons beaucoup les musiciens des années 70-80, ils ont façonné l’univers musical marocain et ont forgé une certaine identité artistique. Mais aujourd’hui nous assistons, comme je l’ai dit, à de nouveaux talents musicaux, alors il faudrait leur donner leur chance.

Dans ce même contexte, pensez vous que les jeunes de votre génération sont encouragés ?
Entre nous, les jeunes musiciens ne sont pas assez encouragés. Ils commencent à être un petit peu médiatisés, mais ce n’est néanmoins pas suffisant. Pour parler d’encouragement, j’aimerais préciser qu’au départ on avait du mal à nous imposer. C’était vraiment la galère, il n y avait pas de soutien de l’Etat. Par contre, nous voulons saluer l’initiative louable des organisateurs du « boulevard des jeunes musiciens ». C’est cette manifestation qui nous a en quelque sorte révélés au grand public en 2001. Nous avons même reçu le prix du public.

Vous avez sorti votre premier album : «Casa-Casa» en 2004, quels  sont les difficultés que vous avez rencontrées pendant l’enregistrement ?
Nous avons enregistré pendant deux semaines dans un studio à Casablanca. Nous avons dû nous confronter à certaines difficultés d’ordre financier. Nous avons un budget limité et nous avons mis le paquet pour passer un minimum de temps dans le studio, pour qu’on puisse payer nos frais.
On aimerait attirer aussi l’attention sur l’état des studios au Maroc. Non seulement, il y a très peu de studios au Maroc et ceux qui existent se trouvent dans un état lamentable. En plus de cela, sur le plan technique, ce n’est pas le  top. Nous n’avons pas de mastering. Pour qu’on puisse obtenir un bon son, il nous a fallu galérer.

Quelles-sont vos ambitions en tant que groupe de jeunes ?
Notre rêve actuellement c’est d’effectuer une tournée à l’étranger pour rencontrer un autre public. Cela nous permettra d’évoluer et d’enrichir notre carrière. Mais entre temps, nous continuerons toujours à travailler et à résister. C’est notre devise.

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