Culture

A la une : Musique andalouse, affection ou désaffection ?

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Avec la perte de ses piliers, les regrettés Abdelkrim Raïss, Mohamed Temsamani et Ahmed Pirou, beaucoup auront cru, -et pas vraiment à tort-, que c’était fini pour la musique andalouse. Ces symboles, qui ont consacré leur vie à la sauvegarde et au développement de l’art des « nûbas », auront enterré avec eux le secret de ce mode musical traditionnel.
En l’absence d’enregistrement des «qsaïds» (textes poétiques) hérités de la présence arabe dans la péninsule ibérique, et face à la rareté des musicologues et donc de recherches susceptibles de lever le voile sur le mystère de ce patrimoine, l’inquiétude pour le devenir de la musique andalouse est plus que légitime. Plus inquiétant encore, la musique andalouse, sous sa double facette (ala et gharnati), est restée orpheline.
Le public, dit-on, ne s’intéresse plus qu’aux mouvements rapides. Une chose, cela étant, reste sûre : si avec la disparition de ses figures emblématiques précitées, la musique andalouse a en effet perdu ses piliers, que sa survie était, il est vrai, hypothéquée par l’absence lamentable d’un effort de documentation, que le manque d’un plan de recherches a entretenu le flou sur ce patrimoine, il y a un fait que l’on a trop souvent tendance à occulter et qui a pourtant été pour beaucoup dans la débâcle annoncée de ce legs musical.
Les médias en général, et l’audiovisuel en particulier, sont comptables de ce jeu de massacre. Parlons vrai, parlons clair: la musique andalouse n’a jusqu’ici été utilisée que comme un « décor » ni plus ni moins. Elle n’a jamais été prise pour ce qu’elle vaut réellement, c’est-à-dire un patrimoine artistique à part entière ; expression d’une identité ; instrument de revendication d’une appartenance à une sphère géo-culturelle commune entre le Maroc et l’Espagne, qui s’est traduite par sept siècles de rayonnement arabe sur la péninsule ibérique… Preuve éclatante et scandaleuse du traitement « idio-visuel » de la musique andalouse, elle n’a jamais été passée en prime-time.
Pire encore, elle est administrée comme une « aspirine » pour apporter prétendument calme et sérénité au téléspectateur. Pis que pis, cette musique ne vaudrait pas plus qu’un digestif. Programmée simultanément avec la rupture du jeûne, elle est là où il y a le bol de harira (!). En dehors du Ramadan, elle est servie (belle trouvaille!) comme un soporifique pour les besoins d’une belle sieste.
Ce qui doit ou devait être valorisé comme une part vivante de notre patrimoine, ce qui doit ou devait être un motif de fierté pour tout un pays, est réduit à sa stricte et basse expression digestive et anesthésique. «La manière dont notre PAM (Paysage audiovisuel marocain) présente la musique andalouse a eu pour conséquence d’occulter sa valeur littéraire, musicale et esthétique », proteste la vocaliste Majda El Yahiaoui.
En effet, en lieu et place des débilités et autres inepties servies à longueur de diffusion, notre PAM aurait mieux fait d’apprendre au téléspectateur de mieux connaître et écouter la musique andalouse, en l’aidant à faire la différence, par exemple, entre « tarab al-ala », -qui est la forme omniprésente et prépondérante au Maroc-, le « tarab al-gharnati », -que l’on peut entendre à Oujda et à Rabat-, et les « Trîq » pratiquées par les Juifs du Maroc. Cette télé ferait également mieux d’expliquer les « nûbas » (suites vocales et instrumentales), les « brawels » (textes poétiques en dialecte marocain), les jeux d’onomatopées (Ya lalan, Ha nanan, Tiri tan ou Tari tanan)…
La réconciliation des Marocains avec leur patrimoine passe nécessairement par le fait de le faire connaître, c’est la seule condition de le faire aimer.

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