Culture

Abdelhamid Akkar : un intellectuel dans la cité

© D.R

C’était lors de l’hommage rendu par la ville de Chefchaouen, l’année dernière, à son fils aimant et attaché à sa montagne de naissance, Abdelhamid Akkar, en présence d’un large panel d’intellectuels et d’hommes de lettres marocains, que cette jeune femme, apparemment sous le charme, susurra dans l’oreille de son voisin de banc : « C’est un vrai nounours ! ».
Le personnage, pour tous ceux qui le connaissent de près, est certes un homme délicat, bourré de bonnes manières et de savoir-vivre, convivial, jovial, immensément cultivé, doté d’une mémoire d’éléphant, travailleur, lève-tôt, couche-tard, aimant la bonne chère, – et ça se voit -, mais toujours avec le tact festif et généreux de ceux qui aiment partager, de ces grands cœurs à la bonté infinie. De sa terre natale, doublement trempée dans l’enracinement et la rigueur montagnards rifains, d’un côté, et de l’autre, dans la patine douce et langoureuse d’un passé andalou et encore vivace, l’homme a hérité ce double ressort : celui d’un coureur de fond, d’une sorte de bûcheron doté d’une énergie impressionnante, d’une part, et de l’autre une forme de sérénité intérieure, une assurance, une quiétude, une certaine plénitude qui rappellent certains bonzes des hauteurs du Tibet.
Et puis, cette voix énergique, mais sans heurts, forte mais sans raclements, régulière mais si expressive, pour rythmer un discours frais et spontané dont la tonalité et les aires de déploiement dénotent d’une conviction et d’une passion sans égales. Et c’est justement ainsi que les téléspectateurs ont eu ce moment de bonheur rare d’entendre un intellectuel, fier de l’être mais sans fioritures, sans pédantisme, conscient de son (nouveau) rôle de responsable de l’association corporatiste des écrivains marocains, mais plus encore de sa responsabilité d’intellectuel qui a toujours considéré son rôle au cœur de la cité, perméable à toutes les problématiques qui préoccupent son prochain, mais aussi la société à laquelle il appartient, organiquement, prise dans ses multiples ancrages et dans ses tensions vers l’universalité et l’éclosion.
Le bonheur, en parlant de Akkar, est synonyme aussi d’une sagesse, d’un doigté pour trouver les phrases et les mots, tout simples, quasi-évidents, pour rappeler, mais avec force, quelques vérités que certains, par excès de sophistication, tantôt, par atrophie cognitive d’autres fois, ou par simple mauvaise foi, nous rendent souvent méconnaissables, voire hideuses.
A certains moments de l’émission, on sentit l’homme se draper de sa blouse de maître d’école et presque sur le point de taper sur les doigts de ces garnements qui se sont mis dans la tête, à plusieurs et trop souvent, que le ou la politique était synonyme de dégradation ou de corruption des choses ou des légitimités.
C’est, justement une forme d’évidence implacable qu’il va nous rappeler, nous si distraits, que toute organisation, quelle qu’elle soit, qu’elle réunisse des militants, des syndicalistes, des savants, des écrivains, est géré politiquement, selon des techniques et des usages tout ce qu’il y a de politique : des élections, des comités préparatoires, de la propagande, des alliances, du lobbying, des cooptations, des majorités, des minorités…etc. Pour dire, qu’une élection, y compris celle d’un président de l’Union des Ecrivains du Maroc, est un acte sérieux qui ne peut être issu du hasard et des aléas de l’instant.  
Solennel, sur des points comme celui-ci. «Je suis fier d’avoir été et d’être soutenu par les politiques» affirmera-t-il de diverses manières, lui qui n’a jamais été encarté, mais qui met la pratique politique au cœur de tout processus de développement considéré chez lui toujours comme une rationalité, une ouverture sur les autres, un élan vers la modernité.
«Le Maroc n’a de sens qu’avec ses forces politiques», soulignera-t-il fermement. Et d’ajouter que l’une des principales tâches qui s’imposent à tous les acteurs, quelle que soit leur position dans la société,  à l’heure actuelle, est celle de promouvoir la culture de la différence et de ses divers modes de gestion.
Expression salutaire et signe de bonne santé de la société et de la nation, la différence d’opinions, d’attitudes, de prises de positions, est à la fois la condition et le signe d’un ancrage dans la démocratie, et non pas seulement dans une transition qu’il trouve trop longue à son goût. A l’horizon 2007, déclarera-t-il, « il faudra trancher cette question du choix démocratique ». Il en explicite aussi les contours : une organisation sous forme de pacte de la prise et de la cession de pouvoirs entre les élites, la mise en place et la consolidation des institutions dépersonnifiées devant lesquelles tout le monde est responsable et la promotion d’une véritable culture citoyenne, plurielle, polyphonique, multidimensionnelle et ancrée dans l’universalité.
Au-delà de cette tonalité générale de l’émission de Mustapha Alaoui, épaulé par les journalistes Nadia Abram (Map), Mohamed Soukri (La Vérité) et Omar Labchirit (Assahifa), le rendez-vous télévisuel a connu également quelques moments où l’invité a fait preuve d’un courage intellectuel et d’une vision politiques qui répondent largement à la question récurrente du rôle de l’intellectuel dans la cité.
Il en est ainsi, par exemple, de l’impératif d’inventer une nouvelle langue pour parler aux composantes de la société marocaine non acquises à la cause nationale au Sahara. Il ne suffit pas de dire que « La nation est clémente et miséricordieuse, il faut aussi trouver la langue et le discours adéquats pour communiquer avec les dissidents », martèlera-t-il, en rappelant toute une théorie d’erreurs commises dans le traitement sociétal, culturel, linguistique et symbolique de la composante saharienne du peuple marocain.  Ce sera aussi le cas en ce qui concerne le rôle essentiel de l’Etat qui est de préserver la diversité et le pluralisme, au même titre que la préservation de l’intégrité territoriale. Ainsi qu’en ce qui concerne le rapport entre la mémoire et l’histoire, l’identité-refuge et l’identité-projet, le patrimoine comme référence et le patrimoine comme panacée ou solution omnisciente.
« L’histoire est une action humaine. L’histoire du Maroc est en cours de réalisation par le fait de l’homme marocain, ici et maintenant », est l’esprit du message de Akkar en cette douce soirée sur la chaîne nationale. En ce qui le concerne, c’est certain, il y contribue de belle manière !

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