Culture

Abdelkebir Rabi : Insulter des idéaux et des sacralités ne peut pas avoir trait à l’art

© D.R

ALM: Pourquoi exposez-vous rarement? Est-ce un choix de se faire discret?
Abdelkebir Rabi’ : Je ne trouve pas que j’expose rarement. Quand j’expose j’ai envie d’exposer une démarche, une expérience et un cheminement. Exposer toutes les années serait une production. Et ce n’est pas ce que représentent mes œuvres qui ont nécessité de grandes années de recherches.

Justement, on constate à travers vos oeuvres cette continuité dont vous parlez. Pourquoi tenez-vous maintenir ce même style et cette même touche artistique?
Je suis moi-même. J’aimerai bien être un autre que je choisirai mais je ne ferai jamais les choses comme ils se doit. Je serai faux et mes travaux seront une pâle copie de ce qu’aurait mieux réussi un autre. Je crois que la meilleure manière d’agir dans tous les domaines c’est d’être soi-même avec ses forces et faiblesses.

Vous avez été enseignant d’art et peintre et aujourd’hui, vous vous consacrez essentiellement à la peinture. Comment avez-vous été initié à la peinture?
Je l’ai été depuis toujours. ça a commencé comme il est le cas chez tous les enfants du monde qui, dès leur premier âge, gribouillent des petits dessins. Il y a ceux qui s’arrêtent à ce niveau et il y en a qui continuent. Moi je fais tout simplement partie de ceux qui ont continué sans pour autant que ce choix s’impose. Ceci s’est fait de manière très spontanée et j’aurai été malheureux si on m’avait privé de peindre.

Le blanc et le noir dominent souvent vos créations de manière très équilibrée. Pourquoi avez-vous recours à ces deux couleurs au juste?
Moi j’appellerai ce blanc et noir, le plein et le vide ou encore le sombre et le clair. Je pose un problème de rapport entre un espace et le mouvement qui est souvent une action qui laisse une trace. Ce rapport je le gère en fonction de la logique de l’œuvre. Je sais de créer un dialogue entre tous ces éléments qui meublent l’espace. Dans la mesure où j’ai besoin d’un contraste et d’un rapport fort, j’utilise le sombre et le clair.

En parlant de trace, quelle serait l’école (ou les écoles, ndlr) ayant laissé une véritable trace tout au long de votre processus de recherche et de formation aussi ?
Les grandes écoles m’ont beaucoup influencé. Il y a d’abord le classicisme avec tout ce qu’il pose comme problème de clair-obscur. Ici, je pense essentiellement à la peinture hollandaise avec des artistes tels Rembrandt Harmenszoon van Rijn et le Caravage. Le romantisme m’a également nettement influencé au même titre que les tendances contemporaines abstraites.

Êtes-vous très «tendance moderne»?
Je suis complètement indifférent à la mode et aux courants hâtifs, rapides et éphémères. Je suis indifférent également à tout ce qui se fait en tenant compte de l’époque et du moment. Je regarde plus du côté de l’art qui pose un problème d’éternité, de mémoire et d’authenticité. Ce n’est pas un dénigrement de ces tendances, je me nourris du patrimoine classique tout comme je peux me nourrir d’expériences nouvelles dans la mesure où elles rejoignent mes préoccupations. C’est-à-dire, qu’elles s’inscrivent dans la durée et s’enracinent dans un passé.

En survolant un peu la jeune scène artistique marocaine, trouvez-vous qu’une bonne relève existe?
C’est normal qu’il y ait une relève. Le contraire serait absurde. Nous sommes un peuple vivant et des talents il y en aura toujours. Ceci n’a rien à voir avec le contexte. Il y a de grands artistes et d’autres moins connus qui vont émerger. La société se régénère et elle a besoin de s’exprimer librement et de laisser des traces.

Vous avez évoqué la question de la libre expression. N’avez-vous pas de craintes quant à son avenir? N’y a-t-il pas une menace de montée de censure dans le contexte de nos sociétés d’aujourd’hui?

Parler de la montée des courants islamistes et toutes ces questions qui se posent autour est pour moi un discours idéologique qui n’a rien à voir avec la création et avec l’art. Il n’y a jamais eu de censure et je n’en ai jamais été sujet. Toutefois, supposons qu’il y ait censure. L’art se nourrit et tire sa puissance de la censure. Plus vous l’enfermez, plus il se renforce et explose. J’insiste toutefois sur le fait qu’il n’y a pas de censure. Il y a bien sûr une manière de présenter l’œuvre où il y a une certaine insolence et provocation. Insulter des idéaux et des sacralités ne peut pas avoir trait à l’art. L’âme de l’art se situe ailleurs et s’il dérange c’est sur d’autres plans. Ce sont surtout des habitudes, une esthétique et une manière de voir qu’il essaie de perturber. L’art peut être fort et avancer tout en se passant de l’insolence qui, à mon goût, est une facilité qui n’a pas de poids d’un point de vue artistique.

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