Culture

Abdelmajid Demnati : Un mâalem de père en fils

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ALM : Vous êtes considéré comme le plus grand maître du guembri au Maroc. Comment est née votre passion pour cette musique ?
Abdelmajid Demnati : Je suis né en 1957 à Tanger et j’appartiens à une famille de ganouis. Ma grand-mère était gnaouie. Cela se transmet à travers les générations. J’ai été influencé par cette musique pour ne pas dire que je l’ai hérité, d’une façon quasi inconsciente. A un âge très précoce je participais dans les «lilas», j’observais les maîtres chanter. J’étais accompagné de mon guembri, que j’ai appris très tôt à manier.
Je les accompagnais, je ne ratais aucune de ces soirées sacrées. Petit à petit je me suis vu intégrer ce milieu et j’ai décidé de poursuivre le chemin de mes ancêtres. Depuis ce temps, je n’ai plus quitté mon guembri, et je suis moi même devenu mâalem par la force des choses. J’en suis pour le moins ravi.
Vous dirigez à présent le groupe Gnaoua Express. D’où vous est venue l’idée de créer cet ensemble?
Le groupe Gnawa Express a été créé en 1994. Tous les membres du groupe sont de ma famille, et le travail avec eux est très agréable. L’idée de fonder ce groupe a été nourrie de plusieurs discussions avec des amis allemands que j’ai rencontrés à Tanger. C’est en quelque sorte inspiré de l’histoire internationale de Tanger avec toutes les influences qu’elles a subies. La naissance de Gnaoua Express est un peu magique, tout comme l’histoire de Tanger. C’est une ville qui séduit bon nombre de ses visiteurs aussi bien marocains qu’étrangers. Le titre du groupe devait lui aussi de sa part séduire. Aussi, le nom traduit le désir de vouloir s’ouvrir sur d’autres styles musicaux, d’autres tendances.
«Gnawa Express» traduit aussi une idée de jeunesse. Une jeunesse ouverte sur le monde. C’est ainsi que nous concevons notre groupe.
En parlant d’ouverture sur d’autres genres musicaux, comment s’est passée votre rencontre avec le groupe belge «Maak’s Spirit» et comment qualifiez-vous cette expérience ?
Cette rencontre s’est déroulée d’une façon tout à fait spontanée et naturelle. Lors d’une soirée à la Kasbah de Tanger, j’ai fait la connaissance de Laurent Blondiau, le leader de Maak’s Spirit. Il était en visite à Tanger et paraissait très épris de notre musique. Il est revenu une seconde fois avec sa trompette. Nous avons commencé à discuter de la musique Gnawa et du Jazz. Nous avons trouvé que nos styles musicaux étaient très compatibles. C’est de là où est née l’idée de travailler ensemble. Nous sommes restés en contact et après une résidence au Flagey à Bruxelles en août 2003, nous avons crée «Al Majmâa». Un projet commun, tandem qui privilégie spontanéité, improvisation et recherche de nouvelles couleurs musicales. Celui-ci-ci fut suivi d’une série de concerts en Belgique et à l’étranger. Selon moi, c’est une expérience très enrichissante.
Vous ne pensez pas que la fusion dénature un peu la musique Gnaouie ? Cela ne risque-t-il pas d’aboutir à une sorte de rythme répétitif, où le plus souvent c’est la musique de l’autre rive qui est valorisée ?
Personnellement, je respecte tous les genres musicaux. Moi et mon groupe faisons de la musique spirituelle de souche, ce n’est pas une musique qu’on peut écouter dans les cafés. J’entends par là, que ce n’est pas une musique commerciale. C’est pour cela que je n’aime pas trop le terme fusion. Cependant, cela ne veut pas dire que nous sommes contre les nouvelles expériences. Cela ne peut être que positif.
Je pense en vérité que tout dépend des arrangements musicaux, car c’est vrai que ce ne sont pas tous les mélanges qui réussissent. Généralement il ne suffit pas d’opérer des simples raccords pour appeler tout mélange fusion. Pour la réussite de la fusion, il faudrait que les arrangements musicaux soient bien étudiés.
Pour que l’essence de la musique gnawa ne se perde pas il faudrait que les textes soient bien réfléchis. Tout réside dans le degré de recherche et de communication entre les différents styles. Cet élément aussi est très important. C’est ce qui a fait que l’expérience avec Maak’s Spirit a été réussie. Nous discutons énormément pour élaborer de nouvelles idées. Tout se passe en groupe. Les musiciens communiquent entre eux et c’est très enrichissant.

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