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Abdelwahab Doukkali: «Depuis plus de trente ans, je suis aussi peintre portraitiste»

© D.R

Entretien avec Abdelwahab Doukkali, chanteur, compositeur et… artiste-peintre

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Je prépare une exposition qui verra le jour bientôt. Depuis plus de trente ans je travaille, parallèlement à la musique, sur la peinture puisque je suis portraitiste. Le thème de mon exposition, qui est à son 1er tome, portera sur «les grands» qui ont, chacun dans son domaine, marqué ou marquent ce monde d’une manière extraordinaire.

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ALM : Commençons d’abord par le plus récent… votre nouvelle chanson…

Abdelwahab Doukkali : il s’agit d’un poème intitulé «Misbah Alae Eddine» (La lampe d’Aladin) qui appartient à mon ami le grand poète Abderrafie El Jaouahiri. J’ai beaucoup apprécié cette œuvre qui parle d’une personne qui a toujours souhaité avoir la lampe d’Aladin pour pouvoir retourner dans le passé et constituer avec sa bien-aimée les premiers amants de toute l’humanité. Je me suis penché sur cette chanson depuis une douzaine d’années. Dernièrement, nous avons rencontré le jeune et talentueux chanteur, Abdou Cherif, qui a souhaité que je lui compose une chanson. Alors j’ai pensé à «Misbah Alae Eddine» que j’ai cherchée et trouvée difficilement dans une vieille cassette. Par contre, j’ai apporté beaucoup de changement à cette chanson pour l’adapter à son âge, son physique, sa voix et sa manière d’interpréter. Elle est, pour l’heure, prête et elle verra le jour très bientôt. Maintenant que cette chanson reviendra de droit à mon ami que j’admire beaucoup, Abdou Cherif, je lui souhaite un grand succès.

Pourquoi vous a-t-elle pris beaucoup de temps alors que vous comptez à votre actif de nombreux chefs-d’œuvre composés dans un minimum de temps ?

C’est parce que j’aime la perfection. J’ai horreur de la médiocrité. Je pouvais la composer en une journée, comme je l’ai fait pour plusieurs chansons. Mais, je n’ai jamais triché. J’aime plutôt souffrir en préparant une œuvre pour mon public. C’est pour cela que je prends du temps. Quand je parle d’années, c’est parce que je ne travaillais pas tous les jours sur cette chanson. En fait j’avais abandonné pendant un bon moment parce qu’il y a eu un remous dans ma vie. Par l’occasion, je vous donne l’exemple de «Mawlid el Kamar» qui m’a pris deux ans. C’est parmi les rares chansons que j’aime écouter, c’est comme si ce n’était pas moi qui l’ai faite. Je l’apprécie et admire celui qui l’a composée. Toute ma vie et carrière y est. D’ailleurs, je l’ai conçue parce qu’une grande personnalité m’avait lancé un défi que j’ai tenu en composant cette chanson, alors que celle-ci n’a pas tenu sa parole.                      

Et si vous gardiez «Misbah Alae Eddine» pour vous-même ?

Le poème allait plus à Abdou Cherif. Cela ne me décourage pas, je suis un touche-à-tout. Je travaillerai certainement sur un autre poème. D’ailleurs, j’en ai composé un que j’ai lu dans le merveilleux roman «Dieu n’habite pas la Havane» de mon ami Yasmina Khadra. Ce poème que je chante également en français s’intitule «Don fuego». Quand j’ai rencontré Yasmina Khadra qui m’a offert son livre, je lui ai parlé du projet et il l’a trouvé fabuleux. Une fois que cette chanson verra la vie, je n’hésiterai pas à la chanter devant le public. Déjà j’avais déjà chanté en français dans les années 66 à titre de curiosité. Un de ces jours, je suis arrivé à Paris et j’ai trouvé les gens en train de danser sur ma propre chanson : «Je suis jaloux». Malheureusement j’ai quitté Paris et c’était une gaffe. La société avec laquelle je travaillais m’a offert toutes les conditions mais comme je suis un fils du soleil et du printemps, j’étais tombé sur une mauvaise période où j’avais attrapé un froid qui a duré et m’a poussé à quitter cette ville dont je rêve toujours.

Que faites-vous quand vous ne composez pas ?

Je peins. Pour l’heure, je prépare une exposition qui verra le jour bientôt. Depuis plus de trente ans je travaille, parallèlement à la musique, sur la peinture puisque je suis portraitiste. Le thème de mon exposition, qui est à son 1er tome, portera sur «les grands» qui ont, chacun dans son domaine, marqué ou marquent ce monde d’une manière extraordinaire. J’apprécie les vétérans et j’aime toujours les gens qui ont réussi. Je m’incline devant eux. C’est pour cela que je les peins. Ces vétérans sont très nombreux et comprennent également les grands artistes-peintres comme Van Gogh et Paul Gauguin. Il y a aussi S.M. Mohammed VI, notre Roi, et d’autres personnalités comme Mahatma Ghandi, ainsi que des artistes à l’instar de Mohamed Abdelwahab, Mozart et Beethoven, Liz Taylor, Orson Welles, Charlie Chaplin et autres. J’espère que cette exposition plaira à mes amis qui sont mon public. Pour rappel, j’avais déjà exposé en 1957. Et j’ai toujours peint pour moi-même, je peins beaucoup d’amis à moi à qui j’offre des tableaux comme d’autres le font avec moi.

C’est difficile de voir Abdelwahab Doukkali  opter pour la peinture, comment cela est-il arrivé ?

Vu les changements survenus dans le domaine de la musique, je m’étais plutôt penché, depuis environ 40 ans, sur la peinture que j’aime. Je reste toujours dans l’art en tout cas. Tout ce que je souhaite c’est que cette exposition se concrétise et qu’elle aura du succès. Je suis sûr qu’elle l’aura. D’ailleurs, c’est éventuellement la première fois dans l’histoire qu’un chanteur fait une exposition des grands de ce monde.

Etes-vous vraiment satisfait de la situation de la chanson marocaine actuelle ?

Déjà l’art qui nous a été importé depuis le Moyen-Orient a fait beaucoup de mal à la chanson de cette région d’abord. Il est connu que les Libanais sont de grands commerçants et ils le restent toujours. Ainsi, ils sont parvenus à créer des chanteurs, notamment de belles chanteuses. La plupart de celles-ci n’ont ni voix ni présence. Elles sont très élégantes mais trop maquillées. Souvent, l’interprétation laisse à désirer sans parler de la composition qui est une imitation de chansons espagnoles ou d’autres occidentales. Cette vague est venue jusqu’au Maghreb et donc au Maroc. A ceci s’ajoute l’apparition d’autres styles musicaux, comme le rap. Pour ma part, je ne suis pas contre l’évolution mais il y a des choses qui vont vers la mauvaise direction. Je n’aime pas du tout cela!

Que pensez-vous des chansons qui ne gagnent en renommée que quand elles sont tournées en clip ?

C’est un système de marketing provenant du Liban, de l’Egypte et des Emirats. Dans leurs clips, on voit un chanteur entouré de jolies filles en train de danser alors qu’il est debout comme une planche. A leur tour les  chanteuses font pareil en arborant un petit sourire tout en faisant attention à ne pas bouger pour ne pas déchirer leur robe. Souvent, ces pays envoient leurs clips gratuitement à notre télévision qui adore tout ce qui est gratuit. Nos médias n’ont qu’à vivre avec ces gens-là et leurs clips.

Certains chanteurs de la nouvelle génération ont recours, lors de concerts, au playback. Que pensez-vous de cette technologie ?

Ce qui fait la différence entre un artiste et un autre, c’est l’interprétation en direct sur scène pour mesurer leurs capacités. Actuellement, on est arrivé, avec les techniques modernes, à faire de quelqu’un qui n’a pas de voix ou qui a une voix cassée ou encore qui ne porte pas, le meilleur des chanteurs sur la planète. Dans le playback, on ne fait qu’ouvrir son bec, alors qu’en spectacle, il faut chanter en direct.   

Si d’autres chanteurs font une reprise en style moderne de vos chansons qui sont un patrimoine…?

Certains chanteurs au Moyen-Orient ou au Maghreb ont repris mes chansons comme «Kataâjabni», «Mana illa bachar», «Mersoul el hob», «Dini mâak» et autres… cela fait plaisir ! Encore faut-il citer le nom de l’artiste auquel l’œuvre appartient. Autrement j’appelle cela du vol, de la maladresse, du manque de civisme. Ils sont tout sauf artistes ! par contre, il y a un groupe qui l’a fait avec ma chanson «Kan ya ma kan» difficile à reprendre. Ces membres sont venus chez moi et je leur ai fait confiance. Ils ont fini par faire une reprise magnifique. Dans l’ensemble, il est question, dans ce sens, d’interprétation et de présence.

Vous vous êtes fait rare sur la scène alors que le public vous apprécie et n’arrête pas de vous réclamer. Pourquoi ?

Je suis toujours présent sauf que quand on me veut, on marchande trop avec moi. Or, je suis à prendre ou à laisser. D’autant plus que je suis absorbé par la préparation de mon exposition. Et après des œuvres comme «Allah hay» et «Souk Elbacharia», je me pose la question à propos de ce que je vais préparer de mieux à mon public qui m’aime tant et que j’admire.

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