Culture

AMO : assurance à plusieurs vitesses

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ALM : Nous sommes à l’ère de l’INDH et d’un certain nombre d’avancées sociales majeures telle que l’AMO. A ce propos quel commentaire pouvez-vous faire sur les difficultés de mise en application de cette AMO ?
Dr Greeft Alami Abdeljalil : Vous avez raison de replacer toute la problématique des politiques sociales dans le cadre nouveau que représente l’INDH. Car cette initiative, au-delà de son ambition et de ses objectifs, apporte un changement majeur de paradigme dans l’action de l’Etat en matière sociale. Plus concrètement, j’ai des réflexions à exprimer puisque j’ai été l’une des chevilles ouvrières de la loi sur l’AMO.
Une loi présente toujours quelques difficultés dans son mode d’élaboration et dans son application. Certaines difficultés peuvent être anticipées, d’autres n’apparaissent qu’à la mise en œuvre concrète des mesures.
1ère réflexion : Peut-on faire mieux en matière de l’AMO ? Oui sûrement, mais l’AMO quelles que soient ses imperfections de départ constitue – à n’en pas douter – un progrès social considérable.  Certes, cette loi aménage une assurance à plusieurs vitesses et j’en vois au moins 5 :
Le régime géré par la CNOPS. Le régime géré par la CNSS. Le régime géré par les mutuelles internes des entreprises . Le régime géré par les assurances et enfin le RAMED. Mais un système à plusieurs vitesses vaut mieux qu’un système au point mort.
Quelles que soient les réserves qu’on est en droit de formuler sur l’inéquité du système, il ne reste pas moins vrai que des patients qui n’avaient pas d’accès aux soins jusqu’ici auront la possibilité d’y accéder. L’hétérogénéité des droits et des garanties accordés aux différentes catégories d’assurés ayant été dictée par des contraintes de nature financière ou encore liées aux droits acquis et au rôle des différentes institutions en présence. Malgré cela, l’AMO constitue un progrès social indéniable qui reste perfectible à l’usage.

Que pensez-vous de la discorde qui règne entre les différents acteurs (ANAM–CNOPS-CNSS et Prestataire de soins) en ce qui concerne la tarification ?
Ces difficultés étaient prévisibles mais ne sont pas insurmontables. La régulation par les prix n’est pas le seul moyen de maîtriser l’équilibre financier de l’AMO car d’autres facteurs entrent en jeu. Les supports de la tarification, les références de bonne pratique, l’entente sur le volume global des soins, viennent en dernier lieu les prix des prestations.
A ce propos, je suis personnellement choqué par la dualité de la tarification affichée par la CNOPS et la CNSS. Autrement dit, tout se passe comme si, pour des raisons comptables spécifiques à chacune des caisses, on attribue une valeur prix différente à une prestation médicale en fonction de l’assuré, alors qu’en réalité le coût des soins devrait être une donnée économique incontestable.
C’est comme si on demandait aux médecins de faire une ristourne aux caisses en fonction de leurs difficultés.
Ensuite, je trouve que la question des supports de la tarification, de la précision du panier de soins couvert et de la nomenclature moderne doit être mise en oeuvre et consolidée.
En effet, pour que l’AMO réussisse, il faut 3 conditions essentielles : Premièrement, le panier de soins doit être explicite pour que les assurés sachent exactement ce qu’ils sont en droit d’attendre comme remboursement, ou prise en charge afin que les organismes gestionnaires sachent clairement ce qu’ils doivent accorder comme remboursement et afin que les médecins sachent exactement quelle est l’étendue, dans leurs prescriptions qui rentre dans le panier des soins pris en charge.
Deuxièmement, entre le coût économique des prestations et le tarif de référence, il ne doit pas y avoir une grande distorsion. Celle-ci se fait au détriment du patient de toute façon. L’expérience le prouve chaque fois qu’on veut maîtriser le coût des soins par les prix, on va à une inflation du volume des soins, le médecin ayant tendance à espérer un certain effet revenu de l’AMO.
Troisièmement, le risque de l’AMO doit peser de façon équilibrée sur le triptyque : assuré -caisse d’assurance- prestataire de soins. Les ressources étant naturellement limitées et les besoins de santé étant naturellement illimités.

Au-delà de ces difficultés, qu’on espère transitoires, pensez-vous que l’AMO est de nature à améliorer le fonctionnement du système de santé ?
Je répondrais oui et non. Oui, dans la mesure où elle facilitera l’accès aux soins en assurant une plus grande socialisation de la dépense des ménages. Oui, aussi parce qu’elle suppose une nouvelle culture c’est-à-dire une culture de la cogestion partenariale au lieu d’une culture de médecine de marché.
Non, pour l’essentiel car une réforme du financement même si on injecte des ressources additionnelles dans le secteur ne réglera pas les dysfonctionnements dans le système des soins : étanchéité des secteurs public et privé des soins sans passerelle adéquate au détriment du cheminement harmonieux des malades en matière de recours aux soins, hétérogénéité de l’offre des soins sur le territoire, pratique délétère et inefficacité globale de la politique de santé mesurée à l’aune des indicateurs sanitaires (mortalité infantile, mortalité maternelle…).  Donc une réforme de l’offre des soins doit obligatoirement accompagner la réforme de financement des soins.
Enfin, ce système à 5 vitesses pose la question fondamentale suivante: quel doit être demain la part du financement fiscal (Budget du ministère de la Santé publique et du secteur public des soins, la part de l’assurance sociale obligatoire et des personnes à enrôler dans ce système, la part de l’assurance complémentaire et facultative et la part laissée aux ménages en fonction de leurs revenus selon la catégorie socio-économique)
C’est pourquoi, en guise de conclusion, je dirai : même si l’AMO constitue un progrès sociétal, elle n’est pas la panacée à tous les problèmes de santé du Maroc et qu’il y a lieu de réformer désormais l’ensemble de notre politique de santé.
C’est un impératif catégorique car à côté de nos problèmes de santé des pays pauvres, se profilent déjà les problèmes de santé des pays riches dans le cadre des transitions épidémiologiques. Alors, notre système de santé est-il capable d’affronter cette double charge tout en assurant l’équité d’accès aux soins et la maîtrise des dépenses : rien n’est moins sûr.

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