Culture

Amours sorcières

© D.R

«Je me souviens de Fattouma, une femme de Tafilalet à la peau presque noire, elle pleurait parce qu’en voulant empêcher son mari d’aller avec d’autres femmes, elle s’était trompée de poudre et l’avait rendu impuissant. Une autre a rendu fou le sien et n’arrivait plus à retrouver le charlatan qui lui avait donné des herbes à faire avaler à son homme. J’ai remarqué que celles qui ne disent rien sont celles qui trompent leur mari et multiplient les amants. Celles qui n’osent pas franchir le pas de la trahison pleurent, se plaignent et finissent par être pathétiques. » Ces dix-huit nouvelles, en grande partie inédites, sont organisées autour des trois mêmes thèmes (qui n’en forment qu’un) : l’amour, l’amitié et la trahison. Sur des tons divers, usant d’un registre assez large, Tahar nous propose ici ce qu’il sait le mieux faire : raconter des histoires. Histoires de femmes, d’hommes comblés ou blessés, d’amour fou et – souvent – naufragé, qui se situent dans le Maroc d’aujourd’hui, un Maroc tiraillé entre la tradition et la modernité, où le recours au sorcier marabout, au voyant ou charlatan est de plus en plus fréquent. Les femmes ne sont d’ailleurs pas les seules, loin s’en faut, à recourir à ces formes de magie ou de superstition. Les hommes y cèdent eux aussi, y compris ceux qui appartiennent à l’élite occidentalisée.
Ce parfum magique, avec filtres et malédiction, enveloppe tout le livre, et lui donne une saveur particulière. Ainsi, Amours sorcierès, raconte comment une femme tente de retenir un homme dans son amour et comment celui-ci, malgré tout, s’en détache. Ou encore, homme sous influence, qui campe un grand scientifique, victime de plusieurs déconvenues et contrariétés, qui apprend qu’il a été proprement ensorcelé. Hammam, la plus longue nouvelle du recueil, raconte l’histoire d’un grand pianiste marocain de réputation internationale jalousé et escroqué par des gens qu’il considérait comme des amis. Enfin, la quatrième et dernière partie réunit non point des « nouvelles » à proprement parler mais deux magnifiques récits authentiques. L’un, Le Prophète qui réveilla l’ange retrace la dernière rencontre amoureuse de Jean Genet avec un jeune marocain, histoire dure et belle dont Tahar – ami personnel de Genet – fut le témoin direct. L’autre, Naïma et Habiba est le récit d’une amitié bouleversante entre une femme malade et handicapée et sa femme de compagnie, borgne et analphabète. On retrouve ici, sous une forme séduisante, la quintessence de l’univers romanesque de Tahar Ben Jelloun.

Amours sorcières, Tahar Ben Jelloun,
Seuil, 336 pages

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