Les deux prix, dont la proclamation constitue le point d’orgue de la saison des distinctions littéraires, vont donc à deux romanciers qui ont pour points communs leur origine étrangère et le fait qu’ils ont fui leurs pays et leurs violences politiques.
Ecrivain et cinéaste d’origine afghane, Atiq Rahimi a obtenu le plus prestigieux des prix littéraires de l’automne au second tour, par 7 voix contre 3 pour Michel Le Bris et son livre «La beauté du monde». Atiq Rahimi, 46 ans, de double nationalité française et afghane, est l’auteur de quatre romans depuis le début des années 2000. «Syngué sabour. Pierre de patience» est son premier livre écrit en français.
Après des études à Kaboul, Atiq Rahimi quitte son pays en guerre au milieu des années 1980 pour émigrer au Pakistan. Il demande ensuite l’asile politique en France et obtient un doctorat en audiovisuel à la Sorbonne.
Il adapte lui même son premier roman, «Terre et cendres» (2000), au cinéma et ce premier film est sélectionné en 2004 pour le Festival de Cannes dans la catégorie «un certain regard», obtenant le Prix du regard vers l’avenir.
Dans la tradition afghane, «Syngué sabour» est le nom d’une pierre magique à laquelle les gens confient leur détresse. Dans le livre de Rahimi, une femme veille sur son mari réduit à l’état végétatif depuis qu’une balle s’est logée dans sa nuque. La femme parle et se libère de l’oppression conjugale et religieuse. Dans ce livre de poète, bref, d’une écriture sèche, avec des phrases courtes et rythmées, Rahimi décrit la réalité oppressante de la société afghane et la conception de l’islam qui y prévaut.
Atiq Rahimi est également l’auteur des «Mille maisons du rêve et de la terreur» (2002) et du «Retour imaginaire» (2005). Son œuvre est publiée aux éditions P.O.L.
Le prix Renaudot a été attribué avec beaucoup plus de difficultés à Tierno Monénembo, puisqu’il a fallu 11 tours pour couronner son livre «Le roi de Kahel».
Tierno Monénembo, 61 ans, est un écrivain africain francophone de réputation internationale. Il a quitté son pays, la Guinée, à la fin des années 1960 pour fuir la dictature de Sekou Touré.
Il a obtenu cinq voix contre quatre pour Elie Wiesel et son livre «Le cas Sonderberg». Monénembo est l’auteur d’une dizaine de romans, dans lesquels il évoque notamment l’impuissance des intellectuels en Afrique et les difficultés que rencontrent les Africains vivant en France, parmi lesquels «Les crapauds-brousse» (1979) et «Peuls» (2004). Il raconte dans «Le roi de Kahel» l’épopée d’Olivier de Sanderval, précurseur de la colonisation de l’Afrique de l’Ouest à la fin du XIXe siècle. Sanderval parvient à gagner la confiance du chef du pays peul et va tenter de se tailler un royaume contre la volonté de son propre pays. Le prix Renaudot du meilleur essai a enfin été remis au psychiatre et neurologue Boris Cyrulnik pour «Autobiographie d’un épouvantail».