Culture

Au marché des petites bêtes

© D.R

Il est 9h. La rue Moha Ou Saïd, au célèbre Bab Marrakech de Casablanca, se réveille à peine. Les commerçants lèvent les rideaux, alors que d’autres font le grand ménage pour accueillir une nouvelle journée. Une ruelle où les passants se font très nombreux et surtout les plus jeunes. Ce n’est pas un hasard, il y a bien une raison que seuls les habitués de l’endroit connaissent. «Les enfants s’arrêtent toujours quelques minutes pour regarder les animaux jouer dans leur cage», lance ce commerçant. Non, il n’y a pas de zoo dans cette ruelle, mais des animaleries. Plusieurs échoppes éparpillées tout au long de la rue sont entièrement consacrées à la vente de différents types d’animaux de compagnie. Pas de risque de se tromper d’adresse si vous ne connaissez pas les lieux. Le chant mélodieux des canaris et les cages multicolores en plastique et en bois, suspendues à l’entrée ou déposées par terre, servent d’indicateurs. Les locaux, à force de stockage de différents produits, sont très étroits.
Les sachets et les boîtes de nourriture pour chat, chien, oiseau et poissons encombrent les étagères où prennent place difficilement les aquariums des poissons rouges. S’y ajoutent les abreuvoirs et les mangeoires en plastique, déposés sur le sol et les laisses pour chien accrochées à l’entrée. Les cages, dont l’intérieur est garni de copeaux de bois et d’une roue en plastique, accueillent les rongeurs, hamsters et souris blanches. Exceptionnellement, ces cages ne sont pas exposées au soleil ni là où il y a risque de courant d’air.
Des principes rudimentaires que les spécialistes de ce métier ont appris depuis bien longtemps. Car leur travail ne consiste pas à mettre seulement des prix sur ces animaux de compagnie. Il dépend plutôt de leur maîtrise des comportements, des caractéristiques de ces petites bêtes et de l’entretien qu’elles nécessitent. «Il faut surtout l’aimer ce métier, c’est indispensable pour continuer à faire ce commerce. Sinon, j’aurais certainement laissé tomber depuis des années», affirme le propriétaire de cette échoppe qu’il a baptisée «Monde nature», comme pour déclarer à tout le monde son amour de la nature. Eh oui, dans leur majorité, ces hommes ne se définissent pas comme « commerçants », mais comme des « Maoulouine » (passionnés). En un mot : ils adorent les animaux de compagnie et en prennent soin même quand ça ne marche pas vraiment bien côté clients. Ce matin justement, ce propriétaire est de très mauvaise humeur «Quoi ? Qu’est-ce que vous voulez savoir ? C’est un métier au jour le jour et je vis avec depuis 1984.  Mais pour les gains, c’est… nul !», s’exclame-t-il en essuyant son comptoir de la poussière qui l’encombre. Les quelques clients venus ce matin se sont contentés d’acheter des graines pour les oiseaux qu’ils gardent. Cela n’arrange pas l’humeur de cet homme qui affiche clairement sa colère lorsqu’une femme est venue lui demander des comprimés pour son coq qui ne chante plus : «Allez voir les abattoirs pour volaille ! Moi, j’ai des oiseaux pas des poules !», répond-t-il.
Difficile pour un commerçant de maîtriser son ras-le-bol quand il souffre d’une baisse de demande. L’hiver est une très mauvaise saison pour le commerce de ces animaux de compagnie. C’est plutôt durant l’été que la flèche reprend son ascendant. Pour le printemps, les ventes sont donc timides. Les prix, eux, suivent la cadence et aucun ne correspond à un tarif fixe. Les oiseaux sont les plus prisés, parce qu’ils chantent et que les parents les préfèrent aux rongeurs, dont ils se méfient. «Le prix des oiseaux dépend de l’espèce, de l’origine, de l’âge et de la qualité du chant. Les oiseaux les plus mélodieux sont, logiquement, les plus chers», explique Aziz, un jeune vendeur. Petit exemple : un canari, dont les qualités de «bon chanteur» sont reconnues, se vend, en cette basse saison, à 180 DH. Lorsqu’il est un nouveau né, son prix ne dépasse pas 120 DH.
Le chardonneret à qui l’éleveur apprend à chanter a encore plus de valeur. Son prix va jusqu’à 600 DH. Les perruches qui se trouvent, d’ailleurs, en grand nombre, dans ces échoppes se vendent, elles, 50% moins chers. «A propos, vous saviez que les perruches sont originaires d’Australie? C’est de là qu’elles viennent, précisément de la grande forêt d’Amazonie!», explique Abdellah Aït Moussa, assis sur un petit tabouret devant ce petit local. On assimilerait volontiers, ce vendeur sexagénaire à une encyclopédie vivante.
Dans cette ruelle, il est la référence, puisqu’il exerce ce métier de commerçant d’animaux de compagnie depuis…40 ans ! Eh oui, ce n’est pas une plaisanterie et c’est lui-même qui tient à nous le certifier : «Je suis de l’époque du général de Gaulle, et j’ai commencé tout jeune dans une animalerie en tant qu’aide. Au départ, c’est à l’argent que je pensais, mais ensuite, ma préoccupation pécuniaire s’est transformée en passion», raconte-t-il, avec un grand sourire. Abdellah est tombé amoureux des animaux de compagnie qu’il ne quitte jamais. Il est tellement attaché à ces petites bêtes qu’il aurait bien aimé les relâcher dans la nature. «Je n’aime pas les voir dans les cages. L’oiseau a des ailes pour voler, alors ça m’aurait fait le plus grand bien d’ouvrir ces cages», souhaite-t-il. Ne pouvant réaliser son vœu par peur de se retrouver sans ressource, Abdellah se contente de veiller à l’entretien de ses petits protégés. Il y met tout son cœur et prend le temps de donner des conseils aux clients. «Ah ! Il ne faut jamais acheter un animal sans s’en renseigner d’avance.
Ces animaux sont très fragiles et tout faux pas risque de leur causer la mort», assure-t-il. Faire attention à la température modérée, à l’alimentation correcte, à l’entretien de l’espace où vit l’animal…La règle est la même pour l’ensemble de ces animaux. «Maintenant, c’est la mode des hamsters qui s’impose. Ces rongeurs, qui viennent d’Inde, ne sont pas chers et sont donc à la portée de la majorité. L’engouement pour ces animaux vient aussi de la panique qu’a suscitée la grippe aviaire», souligne ce connaisseur. D’après lui, le marché des animaux de compagnie contient de moins en moins d’espèce d’oiseaux, dont les perroquets. «Les commerçants n’en trouvent plus au grand marché de Koréa (Casablanca) qui se tient chaque dimanche. Les vendeurs qui les achetaient du Congo et du Brésil doivent faire face à plusieurs contraintes liées à l’hygiène de l’animal, au niveau de la douane. Alors, pour se dispenser de frais supplémentaires, on préfère ne pas acheter !», confie Abdellah.
Logique du commerce oblige, c’est désormais les rongeurs qui ont toutes les chances de devenir vedettes. Les hamsters coûtent entre 40 et 100 DH, selon leur race (doré, de Russie, d’Angora, de Roborovski ou de Campbell). Ils ont un effet magique sur les enfants, mais pas sur leurs parents. Omar Soufi, père de deux enfants, leur a caché le hamster qu’ils avaient acheté : «Je trouve que ces rongeurs ne sont pas convenables pour l’hygiène de la maison. Et puis, le fait que mes enfants suivent les faits et gestes de cet animal au lieu de faire leur devoir me dérange».
 Les hamsters comme les souris blanches ne restent pas immobiles. Ils rongent les barreaux de leur cage, font des courses interminables autour  de la roue… Et, ce qui n’arrange pas du tout les clients, c’est que les hamsters domestiques ne font ces activités «sportives» que durant la nuit! Alors oui, pour les enfants, ce ne sera recommandé que pendant les vacances. Omar opte, donc, pour les oiseaux qu’il élève et en prend soin lui-même.
Autre petit animal de compagnie qui, au contraire, ne semble pas trop contraignant : les poissons rouges. Ils sont vendus en couple à 30 DH, et il faudra ajouter 20 DH pour le bocal. Là aussi, c’est l’hygiène qui prime : «Il faut faire attention à la température de l’eau et placer un filtre pour la purifier», indique ce vendeur. Bref, ces animaux de compagnie auxquels s’ajoutent d’autres moins habituels comme l’écureuil et les lézards ou encore le singe prennent place dans nos marchés. Si vous êtes convaincu par l’achat d’un de ces animaux, vous savez ce qui vous reste à faire !

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