Culture

Audimétrie : la HACA contournée

Trouble dans le microcosme audiovisuel. En cause, « l’affaire » portant sur l’installation au Maroc d’un panel de mesure d’audience de la télévision. Le ministère de la Communication se trouve au cœur de ce dossier. Un marché d’une valeur de 100 millions de dirhams aurait pu être confié «de gré à gré» à l’opérateur français du secteur «Médiamétrie», au détriment d’autres professionnels. Ce qui a provoqué l’ire des agences de communication et autres annonceurs, exigeant qu’un appel d’offre soit lancé. C’est désormais chose faite. Sauf que l’affaire ne s’arrêtera pas à ce stade. Si le département de la Communication a bel et bien accédé à la demande des agences et des annonceurs, il sera épinglé pour d’autres « dépassements » ayant entaché le déroulement de cette opération. Le cahier des charges de l’appel d’offre, sur la préparation duquel des personnes dudit ministère seraient intervenues, «correspond étroitement aux champs de compétences de Médiamétrie», révèle un observateur. Ce cahier «exclut explicitement les technologies actuellement les plus en pointe dans le domaine de la mesure d’audience que Médiamétrie ne maîtrise pas». En effet, l’expérience de «Médiamétrie» est strictement limitée à la France et à ses territoires d’Outre Mer. Les équipes de cet opérateur n’ont pour l’instant installé qu’une partie d’un seul panel de mesure d’audience de la télévision (1200 foyers), l’autre partie étant installée et gérée par une filiale de GfK, numéro 2 mondial de la mesure d’audience de la télévision, après Nielson. La compétence n’aurait donc pas été prise en compte.
Le black-out fera le reste. A en croire certains experts, la Haute autorité de la communication et de l’Audiovisuel ( Haca) n’aurait pas été informée du «deal» conclu entre des personnes du ministère de la Communication, -avec la complicité de certains annonceurs «dans le coup»-, et des membres du groupement «Médiamétrie LMS-CSA». «Il semble que lorsque la HACA a pris incidemment connaissance de cette opération, elle aurait d’abord voulu l’arrêter. Puis, pour ne pas réduire à néant le travail réalisé par les uns et les autres, elle aurait proposé de préparer un complément au cahier des charges et qu’en attendant, le processus soit figé. Le président de la HACA aurait demandé à être informé de tout développement. Il ne l’aurait pas été. Le processus n’a en tout cas pas été figé comme prévu en attendant les recommandations de la HACA», affirme un spécialiste du dossier. Contacté par «ALM», le président de la HACA Ahmed Ghazali indique : «Dans la perspective de la mise en place d’un système de mesure d’audience pour les opérateurs audiovisuels, le dahir ayant institué la Haute autorité de la communication audiovisuelle charge, dans son article 3/17°, le Conseil supérieur de la communication audiovisuelle «d’édicter les normes juridiques ou techniques applicables à la mesure d’audience.
La HACA n’est, par conséquent, nullement concernée par le choix de l’opérateur qui mettra en place le panel en question.
Elle ne s’est d’ailleurs jamais impliquée dans aucun processus relatif à ce choix; ce qui est tout à fait normal puisque le système de mesure est un outil à mettre en place par et pour les professionnels de l’audiovisuel, et que son utilité nécessite qu’il bénéficie de l’adhésion et de la confiance de tous. La HACA a eu l’occasion de préciser sa position aux différentes parties concernées en insistant sur le fait que seul le CSCA est habilité à fixer les règles juridiques et techniques relatives à la mesure d’audience. Le CSCA se prononcera prochainement sur cette question déjà programmée dans son agenda.
Il est bien évidemment clair que lorsque ces règles seront établies et publiées au Bulletin Officiel, elles obligeront, en tant qu’acte de nature réglementaire, tout opérateur agissant dans ce domaine».
M. Akchichen, membre de la HACA, a pour sa part rejeté toute forme de responsabilité. Selon l’intéressé, cette « affaire » ne relèverait pas de la tâche de la Haute autorité de la communication et de l’audiovisuel. «Nous sommes là pour fixer les règles du jeu», a-t-il précisé. « La loi nous donne la prérogative de fixer les normes juridiques et techniques pour la mesure d’audience », a-t-il expliqué, en faisant référence à l’alinéa 17 de l’article 1 du dahir du 31 août 2002 portant création de la HACA. Avec ou sans la HACA, le «deal» ne se serait pas arrêté. D’autres rebondissements viendront ainsi émailler son déroulement. Le cahier des charges avait été ficelé de manière à «correspondre étroitement aux champs des compétences de Médiamétrie», d’autres «mauvaises surprises» devaient attendre les malheureux candidats. «Les réponses à l’appel d’offre devaient initialement être fournies en quatre semaines (…) Le délai réellement disponible initialement n’était, en fait, que de trois semaines et demie pour les concurrents européens autres que Médiamétrie. Or, la complexité technique de la mesure d’audience automatique est telle qu’il est matériellement impossible d’élaborer une offre adaptée aux particularités du pays dans un délai si court (…) Par contre, Médiamétrie a pu préparer son offre pendant les mois qui ont précédé l’appel d’offre, le cahier des charges correspondant exactement à ses domaines d’expertise», affirment-ils. Sollicités pour prolonger le délai d’une semaine, des représentants des agences et des annonceurs étaient divisés.
D’aucuns auront accédé à cette demande, alors que d’autres s’y seraient opposés. «Ce qui équivalait objectivement à avantager «Médiamétrie», proteste-t-on. D’où l’absence d’offre de plusieurs opérateurs de la place tels que Taylor Neslon Sofres.
Le manque de temps aurait, par ailleurs, contraint un autre opérateur, Nielson de son nom, à déposer une «offre sommaire». Tout aurait donc été préparé pour que «l’appel d’offre» soit «biaisé» au profit de «Médiamétrie». Personne dans le secteur ne veut croire à cette hypothèse à moins que des conflits d’intérêts sérieux notamment au niveau de certains membres de la commission ne soient venus perturber l’ensemble du processus. Si la mesure d’audience est contrôlée en amont par certains intérêts compte tenu des enjeux financiers considérables que cela implique toute la politique de libéralisation de l’audiovisuel marocain ne serait plus alors qu’une énorme supercherie. C’est désormais la crédibilité de la HACA elle-même qui est en jeu.

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