Culture

Bab Sidi Abdelwahab, un édifice faisant figure d’icône orientale

© D.R

La somptueuse porte Bab Sidi Abdelwahab est  de toute évidence le signe révélateur d’une histoire architecturale  aux mille facettes.  Elle est constituée de deux géométries variables ;  une  ogivale à l’intérieur sous forme de voûte pour soutenir les contreforts en pisé et une seconde cubique à l’extérieur  encadrée par  deux bastions d’une cinquantaine de mètres carrés chacun. L’ensemble de l’édifice est surplombé de merlons ouvragés et d’archères pointues à la marocaine. D’une profondeur d’une dizaine de mètres et d’une hauteur de neuf mètres, la porte principale est accommodée à deux petites entrées ogivales qui assurent la fluidité piétonnière. La largeur de l’ensemble de cet édifice portier est d’une quarantaine de mètres. L’intérieur de la grande porte est une arcade à quatre  arcs  ouverts et orientés vers le point  culminant du toit. Ces dernières sont à leurs tours dupliqués en petits cercles égaux et contigus qui se coupent en formant un angle plus ou moins aigu.
C’est sous le règne des Mérinides que l’enceinte de la ville avec ses portes fut construite aux alentours de 1325. Entre 1894 et 1896, la muraille fut de nouveau renforcée avec comme fonction principale la protection des 28 hectares qui constituaient la médina.
Les Français, dès 1907, entamèrent quelques retouches sans cependant toucher à la forme originale des remparts  qui étaient complètement dégagés de l’intérieur. Ce n’est que vers les années soixante que des échoppes ont envahi l’espace avoisinant et continuent à porter préjudice à l’esthétique de l’ensemble.
Depuis l’indépendance sept études ont été réalisées pour aménager la porte et son esplanade mais  n’ont pu aboutir. Il fallait attendre 2008 pour que le rêve prenne forme  et pour que l’histoire architecturale de la ville soit réhabilitée. Selon les nouveaux plans, la porte et son esplanade s’étendront sur une superficie de 5,5 hectares, avec comme fond en profondeur  613 commerces, un marché de légumes de 117 locaux,  Souk Tanger connaîtra des travaux de réfection et sera constitué de deux étages afin de gagner en espace (417 boutiques), une maison dédiée à l’artisan aura pour mission de pérenniser des métiers ancestraux. 
La reconstruction de la  mosquée qui jonche la courtine peaufinera une esplanade aux multiples facettes.
Bab Sidi Abdelwahab est une place à double vocation. C’est à la fois un héritage historique, culturel et patrimonial qu’il faut réhabiliter ; mais aussi une zone urbaine qui est au cœur de l’activité commerciale. Elle  était le lieu par excellence  des arts populaires et d’autres spécificités  du terroir  jusqu’aux années 70. C’est ce qu’évoque l’artiste peintre Zennati avec nostalgie mais aussi avec espoir de voir la place magique de son enfance prendre forme féerique à l’instar de Jamâa El Fna.
On ne peut restaurer cette icône qu’à travers tous ceux qui sont porteurs de cet héritage et qui sont en mesure de réussir la combinaison de la culture, du patrimoine et de la commercialité.
Cela permettra à bon nombre d’artistes de pouvoir trouver dans cette place un lieu de créativité, d’épanouissement et la contribution à l’émergence d’un génie créateur. Une place par son caractère formidable, majestueux avec une esplanade qui la met en exergue et qui la valorise pourrait  servir de lieu d’enrichissement et d’épanouissement des  talents. C’est le début de la réhabilitation de toute la mémoire de l’Oriental notamment les chioukhs et les conteurs. 
C’est la vision  qui doit  sous-tendre la mise en valeur socioculturelle  du projet. Cependant, il faut admette que c’est un projet complexe du moment que tout ce qui touche à la  réhabilitation du patrimoine n’est pas facilement accessible aux bâtisseurs. Il  demande une logique prudentielle. Il s’agit de protéger et de réhabiliter toute une mémoire collective.
Une approche qui doit faire appel aux  professionnels du patrimoine pour la  restaurer.
Pour Mohamed Brahimi, le wali qui est derrière les projets d’envergure que connaît la ville : «Ce que nous recherchons à travers la rénovation de cette place, la porte et la muraille c’est de réhabiliter les fonctions de ce patrimoine. L’objectif est de permettre à Oujda d’avoir une esplanade aux multiples fonctions. C’est une des caractéristiques de la civilisation marocaine qui s’est basée, durant des siècles, sur son oralité pour conserver son héritage historique. C’est cette logique qui a gouverné la mise en place de ce projet aux multiples fonctions», a t-il ajouté à ALM.
Sur cette vocation artistico-culturelle qui s’est développée instinctivement au fil du temps s’est greffée une fonction commerciale tous azimuts. Ce centre ville est aussi le siège de plusieurs marchés traditionnels et modernes mais qui s’exercent de manière anarchique.  Qu’il s’agisse du marché de fruit et de légumes , de souk Tanger, de souk Al gods,  du souk de charbon ou «gournates» de blé et légumineuses le risque est énorme.
Et pour éviter les incendies qu’ont connus plusieurs villes en situations similaires, il fallait relooker ce patrimoine. Il est aussi important de réorganiser tous ces circuits commerciaux, de les loger dans des conditions décentes  de permettre la réorganisation de ces activités  sur des bases qui assurent l’hygiène et la sécurité et qui permettent à ces activités d’accéder à des niveaux de commercialité plus importants. C’est à quoi aspire le nouveau projet de mise à niveau de la place de Bab Sidi Abdelwahab.
Une place qui accueille quotidiennement entre 200 et 250 mille personnes et qui redimensionnera toute l’activité touristique balnéaire de l’Oriental. La place est un monument magnifique. C’est un des éléments  marquants du patrimoine de la ville. Et toute réhabilitation qui zapperait cette porte serait à la périphérie de l’histoire et du patrimoine.
Bab Sidi Abdelwahab est une porte ouverte sur la médina mais aussi sur la conservation de la mémoire.

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