Culture

Benaïssa : «Je passe la main»

Aujourd’hui le Maroc : Comment vit financièrement le festival d’Assilah?
Mohamed Benaïssa : On peut dire, sans la moindre hésitation, que le moussem culturel d’Assilah vit depuis 1978 des dettes contractées pour sa survie. Sur le plan financier, chaque nouvelle édition est un défi. Mais elle nous permet paradoxalement de combler le déficit de celle qui la précède. Les fonds collectés pour l’édition annoncée permettent en fait de s’acquitter des dettes contractées pour l’organisation de celle qui lui est antérieure. Le mousem vit grâce aux subventions de l’Office national du tourisme, du ministère de la Culture. Il vit aussi grâce aux aides des banques et de quelques entreprises marocaines. La durabilité du festival doit aussi beaucoup à l’aide très précieuse de feu le Roi Hassan II. Nous avons ainsi toujours compté, en premier lieu, sur les ressources de notre pays. Mais le rayonnement de la manifestation en dehors de nos frontières lui fait gagner des amis. Les dons du Prince Bendar Ibn Soultane nous ont permis à cet égard de restaurer et d’édifier des bâtiments.
Pensez-vous que l’on peut compter seulement sur des subventions et des dons pour assurer la durabilité de cette manifestation?
Depuis deux ans, nous réfléchissons sérieusement à la création d’un fonds de façon à donner une garantie de durabilité à cette manifestation. Parce qu’il faut le dire, je connais beaucoup de personnes qui nous apportent généreusement leurs aides. Le moussem ne peut pas toutefois continuer de reposer sur un réseau d’amitiés ou les sympathies qui rapprochent des personnes. Une manifestation de cette taille doit être gérée par une Fondation chargée du fonctionnement de plusieurs établissements. Nous avons aujourd’hui 17 salariés qui y travaillent pendant toute l’année. Ceci pour dire que l’organisation du moussem nous oblige à réfléchir au moyen de lui trouver des ressources propres, et ce indépendamment des relations personnelles. C’est l’unique moyen si l’on veut éviter la dissolution de la Fondation au bout de quelques années.
Tout porte à croire que la réussite de ce moussem a partie liée avec une seule personne…
Je pense que derrière chaque entreprise réussie dans le monde, il y a un leadership. Mais l’essentiel est que ce leadership ne doit pas se croire indispensable. Il faut qu’il prépare la relève. Pour cette année, 90% des actions sont initiées et gérées par des personnes qui n’avaient pas plus de 10 ans lorsqu’on avait commencé en 1978. Ce sont des enfants d’Assilah. Ils préparent et veillent sur le bon déroulement de la manifestation.
Vous pensez donc que le mous-sem peut continuer d’exister sans vous ?
C’est certain ! Et c’est pour cela que nous avons converti l’Association en Fondation. Nous sommes d’ailleurs en train de créer un comité de gouverneurs – chargé justement d’assurer la continuité du moussem. On ne peut plus penser aujourd’hui qu’un événement aussi important soit lié à un seul homme. Et je pense très sérieusement à passer la main. Il est certain que tant que je serai en vie, je porterai un regard attentif sur l’événement. Une grande affection me lie à ce moussem. Il fait partie de mon existence. Je continuerai à lui dispenser toute l’assistance qui est en mon pouvoir. Mais il faut responsabiliser la nouvelle génération et la préparer à prendre le relais.
Le moussem n’est pas spectaculaire. Il y a des débats entre intellectuels et surtout les arts plastiques. Est-ce le concept fondateur?
Oui, et cela remonte aux toutes premières éditions. Nous avons organisé plusieurs colloques et symposiums en vue de faire prévaloir le dialogue sur les rapports hostiles et les préjugés infondés. Assilah est parmi les initiateurs du dialogue arabo-américain et de la réflexion sur la globalisation. Le mot «Awlama» (mondialisation) a été prononcé pour la première à Assilah en 1991. Nous avons réussi à créer un esprit Assilah dont se réclament plusieurs personnes dans le monde. Par conséquent, Assilah est devenue aujourd’hui une sorte de Davos des arts. D’ailleurs, nous espérons donner un nouveau souffle au festival, en faisant d’Assilah un lieu de rencontres culturelles pendant toute l’année, avec des annexes dans certaines villes du monde. Le festival ne peut plus continuer de cette manière. Il est appelé à se développer. Les oeuvres d’art dont dispose la Fondation ont été réalisées par des artistes, aujourd’hui réputés dans le monde. Une personne nous a fait don d’un million de DH que nous allons utiliser pour la création d’un musée où ces oeuvres seront montrées d’une manière permanente.
Plusieurs projets culturels ont été initiés…
Oui, et parmi les plus importants, il existe la création d’un théâtre. Ainsi, Assilah aura sa bibliothèque, son musée, son centre culturel, sa maison de la culture et son théâtre. Ces établissements contribuent au développement de la ville. Cela répond à notre politique initiale : la culture au service du développement de la ville. Et cela déteint forcément sur le social. La Fondation est soucieuse d’initier des actions en direction des populations défavorisées. La qualité de vie à Assilah s’est nettement améliorée grâce au moussem. Tous les commerces que l’ont voit aujourd’hui n’existaient pas il y a dix ans. Et cela montre que la culture est un vecteur de développement essentiel dans la ville. J’estime que le vrai développement n’a pas eu lieu, après la Seconde Guerre dans le tiers-monde, parce que la culture a été marginalisée.
J’insiste sur le fait que nous avons fait le pari, depuis le début, de faire connaître notre ville par le biais des arts. Et aujourd’hui, on peut estimer que nous avons réussi. Il suffit de taper le nom d’Assilah sur n’importe quel moteur de recherches sur le Web pour voir le nombre de pages qui lui sont consacrées, et jusqu’à quel point le rayonnement de cette ville est lié aux arts.
Est-ce que vous arrivez à concilier entre vos fonctions de ministre des Affaires étrangères et de président du Forum de la Fondation d’Assilah ?
Ça devient chaque année de plus en plus difficile. Je fais de mon mieux. Heureusement que les moyens de communication facilitent les choses. Mais ce n’est pas facile! Ce moussem est l’occasion de vacances intellectuelles pour moi.

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