Culture

Ce que Koffel nous a donné

© D.R

L’histoire commence comme une idylle familiale et se change en aventure rocambolesque. Deux cousins, Karim et Aziz, invitent leur arrière grand-mère à Paris. Ils résistent à l’épreuve du visa, parviennent même à sourire aux employés du consulat. « Des gens aimables comme des portes de prison ». Ils sont récompensés de leurs efforts. « L’Ancêtre a obtenu de haute lutte un visa pour aller rendre visite à ses arrières-petits-enfants ». Alors que le lecteur pense que le roman est entièrement dévoué à l’Ancêtre, celle-ci lui tire sa révérence. Elle meurt à Paris. Commence alors pour les deux cousins un casse-tête chinois pour rapatrier sa dépouille au pays. La transporter par avion « dans un cercueil hermétique » ? « Ça coûte la peau des fesses ». Les deux cousins se concertent très vite avec des membres de leurs familles et décident d’acheminer le cadavre à bord d’une remorque, accrochée à une voiture. Ils n’ont pas beaucoup de crainte à se faire sur l’état de conservation du corps de leur arrière-grand-mère, puisqu’ils sont la veille de Noël et qu’il fait bigrement froid. Ils roulent vite et bien, jusqu’à ce qu’ils se réveillent un matin, avec la voiture dépourvue de son appendice. On a volé la remorque dans le sud de l’Espagne ! Et le roman vole dans une aventure mouvementée. Une histoire truculente, où se mêlent l’enquête d’un policier, les prophéties d’une diseuse de bonnes aventures et un miracle. Les péripéties de cette aventure sont écrites d’une façon entraînante. L’écriture de Jean-Pierre Koffel est volontiers espiègle. En ceci, elle participe de la littérature policière. Un genre irrévérencieux, faisant feu de tout bois, n’hésitant pas à puiser dans l’argot, lorsque cela contribue à préciser la psychologie d’un personnage ou à coller au langage de la vie courante. Autre manie des polars, largement exploitée dans le roman de Koffel : l’usage de mots et expressions non français. En Espagne, l’espagnol est cité. Au Maroc, le marocain est impérieux. Au reste, le lecteur sera particulièrement séduit par l’humour et l’ironie de l’écrivain. Le grand stade de Casablanca est nommé par « l’actuel stade ex-d’honneur ». Et même dans les moments qui ne s’y prêtent pas, les personnages du livre ne perdent pas leur sens du rire. « Si on avait un accident, elle serait peut-être la seule à s’en sortir indemne », dit l’un des deux cousins chargés de conduire la dépouille jusqu’au Maroc. Cet humour rend très attachante la lecture du livre La principale réserve qu’on peut toutefois émettre sur ce roman a trait au rythme lent des trente premières pages. Il s’agit de pages d’exposition. Elles présentent l’Ancienne, sa famille, le train-train des deux cousins et leur profil. L’écriture des premiers chapitres, qui manque de nerf, peut constituer un frein à des lecteurs qui ne sont pas censés deviner la subite accélération de la narration. Jean-Pierre Koffel a toutefois trouvé la parade à des lecteurs, trop empressés d’en venir au vif du sujet. Il existe en effet un caractère inhabituel dans « C’est ça que Dieu nous a donné ». Le résumé du chapitre précédent est inscrit à la tête de celui qui lui succède. Ce procédé était employé par les anciens écrivains. Désuet depuis le 19e siècle, il a été très étonnamment remis au goût du jour par Koffel. On peut parcourir son roman en enjambant les têtes de chapitre. C’est sans doute la politesse de l’auteur envers les lecteurs pressés.

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