Culture

Chérif Lamrani : une flamme en or

© D.R

Sa vie est synonyme de passion musicale. Il semblait être prédestiné à jouer un rôle important voire primordial dans l’histoire de la musique marocaine, celle des années 70. Cette personne, on l’aura deviné, est Moulay Cherif Lamrani, l’un des fondateurs du groupe Lemchaheb. Un groupe dont la renommée avait atteint son apogée pendant les années 70. Après Nass El Ghiwane et Jiljilala, c’était au tour de Lemchaheb de venir enflammer les foules avec la force de leur verbe qui prônait la lutte contre l’injustice. Les paroles de Lemchaheb chantaient la souffrance des petites gens aussi bien au Maroc que dans d’autres contrées. Ces mêmes paroles venaient animer une volonté de changement et de vie meilleure dans un contexte de malaise social. Un malaise qui a donné naissance à une effervescence culturelle et artistique à l’exemple des années 60 en Europe.
Chérif Lamrani faisait partie de ceux qui voulaient participer à ce changement du moins attirer la sonnette d’alarme sur une situation sociale qui était intenable. Chacun selon sa condition sociale essayait de défendre à sa manière des principes qui avaient pour son fil conducteur : la lutte contre l’injustice. Ecrivains, artistes-peintres, poètes, chacun usait de son arme pour défendre ces mêmes principes. Chérif avait lui sa passion pour la musique. Il avait la musique dans le sang. Le fondateur de Lamchaheb était affilié à la musique, grâce à son père, connu pour avoir longtemps dirigé un orchestre à Oran.
Malgré le fait qu’il travaillait comme dessinateur dans une société nommée Carnaud, un grain de sel manquait à sa vie. Il ne voulait pas rater sa vocation, alors il décida de fonder un groupe de musique à l’exemple de Nass El Ghiwane. La volonté de Chérif était tellement forte qu’elle finit par se concrétiser. Nous sommes en 1973. L’histoire de Lamchaheb est née autour d’une table de « La Comédie », célèbre café du centre ville de Casablanca. C’est dans ce même espace, où Moulay Chérif Lamrani viendra solliciter l’aide de Mohamed Bakhti, l’ancien régisseur du groupe Nass El Ghiwane et de Taggada. Il lui demanda de diriger à ses côtés un nouveau groupe qu’il voulait créer. « Je sais que tu as travaillé avec Nass El Ghiwane, on veut monter un groupe comme eux, aide-nous ». Mohamed Bakhi acceptera sa demande avec grand plaisir et se lancera à la quête de jeunes talents avec lesquels ils pourront monter leur groupe. Bakhti va auditionner des groupes de passage à Casablanca et finira par tomber sur une perle plus ou moins rare : les Tyour Ghorba (Oiseaux d’Exil), originaires de Marrakech. Le groupe est composé de deux frères nommés les frères Bahiri, et d’une jeune fille de 15 ans Saïda Birouk. En 1973, le groupe, composé de Chérif, Saïda et les frères Bahiri voit officiellement le jour. Il signe chez Barclay, à l’époque en prospection au Maroc et entame ses premiers enregistrements dont les premiers classiques « Al Khyala, Bladi ». Le groupe est d’ores et déjà lancé.
Chérif dessinera les fameux costumes en flamme jaune et rouge qui sont le label du groupe. Sa mère qui était couturière confectionnera les costumes. Le groupe devait se mettre sur son 31 car les premières prestations scéniques avaient déjà commencées. Leur premier spectacle date de 1973 où ils avaient organisé une soirée au Théâtre municipal de Casablanca. Ce même spectacle les propulsa au devant de la scène internationale. C’est ainsi, que la Royal Air Maroc et la Banque populaire se proposaient de sponsoriser leur première tournée en Europe en 1974. Le groupe encaissera 700 DH par soirée. De retour au Maroc, le groupe enchaîne concert après concert. Cinéma Saâda, complexe Kawakib à Derb Soltane, autant d’espaces qui se sont vus animés par la flamme inextinguible de Lemchaheb. Mais malgré leur succès grandissant, Chérif avait proposé à Mohamed Bakhti de continuer à la recherche d’autres talents. En outre, après le départ des frères Bahiri, la recherche de nouveaux musiciens devenait plus que jamais une nécessité. En plus de cela, le groupe avait besoin d’une voix grave. « Il nous faut de nouvelles gammes vocales, nous n’irons pas loin dans notre configuration actuelle » déclarait à l’époque Chérif à Mohamed Bakhti. Mais cette crise ne sera que passagère, le groupe ne tardera pas à être renforcé par la présence de nouveaux membres. Mohamed Batma, Mobarak Chadili ainsi que Mohamed Hamadi faisait partie du groupe. Mais ce qui est clair, c’est que Chérif Lamrani était comme le parrain du groupe.
Accompagné de son instrument original qu’il avait inventé. C’était la mandoline que lui avait léguée son père et dont il avait allongé le manche. En effet, non seulement Chérif Lamrani possède la qualité d’avoir créé un répertoire de pas moins de 250 chansons, ce musicien, avait inventé un nouveau instrument qu’il n’a pas quitté durant plus de 35 ans. Cette même mandoline était même le véritable cachet musical de la troupe, nous dit-on. Sa disparition a laissé un vide dans le groupe. « Sa place est restée vide et nous n’avons pas trouvé quelqu’un de son niveau », affirme Mohammed Bakhti. Mais, ce qui est sûr, c’est que même après sa mort, la musique et surtout la philosophie de Chérif continuera à abriter les esprits de ses amateurs, ô combien nombreux.

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