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Entretien avec Saâd Chraibi, cinéaste : «Le cinéma marocain évolue à deux vitesses»

© D.R

Après une longue absence, Saâd Chraibi, le réalisateur de la trilogie «Femmes et femmes», «Jawhara, fille de prison» et «Femmes en miroirs», signe son retour avec «Les 3M» tourné actuellement à Casablanca. Dans cet entretien, il parle de son nouveau film, son regard sur le cinéma marocain, et l’histoire du manque de salles obscures au Maroc.

ALM : Tout d’abord, comment expliquez-vous votre absence de la scène cinématographique marocaine ?

Saâd Chraibi : Il était forcé par des événements indépendants de ma personne et de ma volonté. Je peux dire qu’il est relatif aux conditions antérieures de la gestion précédente de la part du Centre cinématographique marocain qui s’est terminé en 2004. A partir de cette année j’ai pu reprendre mon travail.

Actuellement vous êtes en plein tournage de votre film «Les 3M», pourquoi le choix de ce titre ?

On a intitulé le film «Les 3M» parce que les trois principaux personnages du film ont des prénoms qui commencent par la lettre «M». C’est un titre provisoire et ce n’est pas définitif. Il risque de changer à l’avenir.

Quelle en est l’idée générale?

L’idée de ce film est de constater et de poser la question pourquoi le monde est en train de devenir fou. Et dire aussi pourquoi cette histoire de religion plurielle, en tout cas les trois religions monothéistes, judaïsme, christianisme et islam, qui avaient des principes de cohabitation avant et qui aujourd’hui se retrouvent en opposition totale. Et donc l’idée est de poser la question sur ce qui nous a amenés à cette transformation relationnelle entre ces trois religions avant et maintenant.

Et comment est née l’idée ?

Elle est née tout de suite après le Printemps arabe et plus précisément en 2012. On n’a pas voulu faire un film sur le Printemps arabe mais sur sa genèse. C’est pour cela que nous – moi et la coscénariste Fatima Loukili, sommes revenus à 60 ans d’histoire pour voir quels sont les événements historiques qui sont d’ordre économique, politique et social qui ont créé cet événement historique. 

Combien de temps vous a nécessité ce film ?

L’écriture a demandé trois ans. On l’a démarrée en 2013, et on l’a terminée en 2016. L’année 2017 a été consacrée à la recherche de financement. Le film est financé partiellement par la commission du fonds d’aide cinématographique et l’autre partie est financée par mes fonds propres.

Quel genre de public ciblez-vous ?

J’espère que les gens réfléchissent un peu plus sur les raisons dont j’ai parlé. On s’est dit que ce serait bien qu’on éclaire pour la nouvelle génération tous ces événements. Bien évidemment tout cela dans le cadre d’une fiction et d’une partie documentaire aussi.

Vous avez traité dans vos anciens films la société, l’histoire marocaine, la condition féminine au Maroc, quelles seront les autres thématiques que vous espérez aborder dans vos prochaines œuvres cinématographiques? 

Je continuerai toujours dans les mêmes thématiques. Je reste dans l’histoire, dans la politique, dans le combat de la femme et le regard de la société. Cette fois-ci, la thématique est plus historique que contemporaine et sociale.

Quel regard portez-vous sur le cinéma au Maroc actuellement ?

Le cinéma marocain évolue à deux vitesses. D’un côté, la production prolifère, de l’autre le spectateur marocain est handicapé par le fait qu’il ne peut pas voir les films en raison de l’absence ou l’insuffisance des salles. Il y a une courbe ascendante, celle de la production, et une courbe descendante qui est la possibilité pour montrer les films qui sont produits.

Que pensez-vous de la nouvelle génération de réalisateurs ?

Un certain nombre d’entre eux a démontré qu’il a du talent. D’autres travaillent d’une façon précipitée et rapide, donc ils n’aboutissent pas à des films bien construits.

Que pensez-vous du secteur de l’audiovisuel et l’adoption des nouveaux cahiers des charges ?

L’adoption des nouveaux cahiers des charges a permis deux choses. D’abord, plus de transparence par rapport à ce qui s’est passé avant mais en même temps plus de complications administratives auxquelles les sociétés de production marocaines n’étaient pas habituées.

Le nombre de salles obscures ne cesse de se réduire alors que les productions sont en augmentation, qu’en pensez-vous ?

C’est la contradiction, c’est le paradoxe du secteur. Il faut trouver des solutions efficaces pour cette histoire de salles.

  

Que proposez-vous dans ce cadre ?

J’avais formulé trois propositions et qui sont à l’étude depuis plusieurs années. La première est d’équiper tous les complexes culturels qui sont au nombre de 75 de projecteurs numériques et projeter une séance par jour. La seconde proposition consiste à équiper les 320 maisons de jeunes avec des lecteurs DVD et faire des projections hebdomadaires pour les jeunes en programmant des débats comme dans les ciné-clubs dans l’objectif de préparer cette nouvelle génération à devenir demain le spectateur marocain potentiel. La troisième proposition est celle d’insérer dans les cahiers des charges du ministère de l’habitat l’obligation pour toutes les résidences comportant une soixantaine d’habitations d’inclure l’obligation de construire une salle de spectacle. Cela permettra aux gens d’avoir de la proximité qui règlera le problème du transport.

Un dernier mot pour le spectateur marocain ?

Je le plains et le l’admire en même temps. Je le plains parce qu’il n’a pas la possibilité de voir suffisamment de films marocains. Je l’admire parce que quand on voit les chiffres de notre boxe-office, on remarque que les films marocains arrivent en tête du classement. Cela veut dire qu’il y a une attente de la part du spectateur qui ne demande qu’à voir mais n’a pas la possibilité de le faire.

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