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Joker : Phoenix magistral

© D.R

L’histoire tient en une ligne : la métamorphose d’Arthur Fleck, un déshérité poisseux, méprisé par la société et psychotique en Joker, anti-héros puissant, charismatique, maléfique et ennemi de Batman.

Un scénario bien mince qui produit pourtant un excellent film.

Difficile de passer après Nicholson et Ledger

Le pari n’était pas gagné, d’autant que le Joker est une figure récurrente au cinéma. En effet, il apparaît dans une dizaine de longs métrages et une quinzaine de films d’animation. L’interprétation de Jack Nicholson dans le Batman de Tim Burton en 1989 reste mémorable. Vingt ans plus tard, Heath Ledger  obtient l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour sa version du Joker dans Le chevalier noir de Christopher Nolan. Ledger offre la vision d’un clown à la fois possédé et manipulateur qui marqua les esprits. Jared Leto campe une pâle version du Joker dans Suicide Squad (2016) et plonge le personnage dans l’ombre. Joaquin Phoenix va définitivement rendre ses lettres de noblesse au Joker dans cette version de Todd Philipps. Il est certain qu’il y aura un avant Phoenix et un après.

Un joker au corps décharné

Joaquim Phoenix est complètement possédé par le personnage. A tel point que sa carrière sera indubitablement marquée par cette performance. L’acteur étasunien a perdu vingt-cinq kilos pour ce rôle. 25 kilos ! Pour l’acteur : «La première chose qu’il fallait faire, c’était la perte de poids. Parce qu’en fait, ça affecte ta psychologie. Tu commences à devenir fou quand tu perds autant de poids en si peu de temps». Le rendu est incroyable : son corps est complètement décharné et le personnage ne peut qu’inspirer la pitié quand il se prive de manger pour que sa mère alitée puisse se nourrir. Quand il se maquille torse nu, ses os saillants ne peuvent jamais faire penser au clown bonhomme et joyeux mais bien à sa version triste.

Un rire inoubliable

Cette possession est aussi mentale et passe par le rire malade, loin de toute joie et qui se rapproche d’un rire sardonique voire diabolique. Ce rire rythme le film et colle à la peau comme un petit air, qui tourne en boucle. L’acteur a d’ailleurs révélé s’être inspiré de malades «souffrant de rires pathologiques et de désordre neurologique». Outre cette performance physique, Phoenix incarne bien un homme simple, qui essaie de s’en sortir malgré son handicap et qui est littéralement broyé par la société.

La violence suinte de l’asphalte

Gotham, une version de New York, est incontestablement un personnage du film. La violence et la crasse y suintent dans des rues où les rats passent pour des agneaux. Arthur Fleck se fait tabasser par des mômes, alors qu’il ne fait que son travail et cherche à faire sourire les passants.

Ni l’amour de sa mère (Frances Conroy) ni le regard de ses collègues ne l’aideront réellement. Il en vient à la conclusion que seule la violence peut répondre à la violence. En parallèle, les pauvres et les délaissés tirent la même conclusion et se reconnaîtront dans ce personnage charismatique quand il en viendra à abattre des voyous en col blanc. Le papillon se fait larve pour survivre et échapper aux filets capitalistes. Ainsi, le Joker, psychopathe meurtrier, devient un héros de l’anti «establisment», des déçus du rêve américain et des blasés de la soupe hollywoodienne. Il n’est pas rare de penser à American psycho de Mary Harron où le héros, Patrick Bateman (ça ne s’invente pas !) tue, décapite et égorge alors que son rêve le plus cher est bien de trouver sa place dans une société bien policée. Comme dans ce film, la mise en scène de Todd consiste à filmer l’action du point de vue d’Arthur en jouant sur la réalité et ses illusions. Les petites danses de Joker pourront même évoquer celles de L’orange mécanique (1971) de Kubrick.

Hommage à Taxi Driver

La décision du réalisateur de confier à Robert De Niro un rôle d’animateur nombriliste et égotique n’est pas innocente. Il s’agit d’un clin d’oeil à Travis Bickle, le héros de Taxi Driver interprété par l’acteur en 1976. Bickle comme Fleck est tétanisé par la solitude et aspiré par la violence intrinsèque de la ville. De Niro révèle le Joker, roi d’une société qui se tourne vers le chaos, avec l’espoir de trouver un peu de pain et de justice. Cette métamorphose du Joker finit certainement par être espérée par le spectateur parce qu’elle se nourrit des inégalités sociales et de la condescendance crasse des 1 % des riches privilégiés envers le reste de la population de Gotham.

Justice pour les Wayne

Un seul bémol tout de même. Léger mais important pour les adorateurs de l’univers des DC Comics : La famille Wayne est transformée en Thénardier arrogants, n’hésitant pas à cracher sur les plus humbles pour assurer une ascension sociale et politique. La rencontre d’Arthur Fleck avec Thomas Wayne (Brett Cullen) dans les toilettes d’un cinéma VIP est symptomatique de cette caricature qui est faite des Wayne. Le spectateur en vient presque à comprendre que le père et la mère de Bruce soient lâchement assassinés dans une ruelle sordide. Cette transformation des Wayne n’était pas nécessaire et donne un petit côté manichéen au film. Rappelons-le, dans la version originale, Thomas Wayne est altruiste et cherche à changer sa ville, pour le bien de tous. C’est ce combat pour plus de justice qui guidera d’ailleurs le jeune Bruce à se métamorphoser en Batman. Cela aurait peut-être rendu le scénario trop subtil et aurait certainement empêché de faire une suite, avec un Batman, héritier un peu niais, en quête de vengeance, prêt à faire face au clown opportuniste. Un bémol reste un bémol et ce film reste bien incontournable. À voir absolument.

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